lundi 30 avril 2012

Mars 2012











 LA PHRASE INACHEVÉE 
LE RESTERA










Jeudi 1er mars

Neuf heures. – Un mois qui s'ouvre sur une certaine envie de silence.


Vendredi 2 mars

Sept heures et demie. – Tout en poursuivant la lecture des entretiens de Matthieu Ricard avec Trinh Xuan Thuan, j'ai lu entièrement le court roman d'Edith Warthon, Ethan Frome – livre remarquable, qui rappelle évidemment Henri James, mais en moins corseté m'a-t-il semblé. Du coup, je crois que je vais en faire rentrer un ou deux autres de la même.

– J'ai par ailleurs commandé trois nouveaux livres aujourd'hui, l'un du physicien Bernard d'Espagnat et les deux autres de Jean Staune.

– Demain, il faut que je rédige trois mille signes de critique plus ou moins littéraire pour je ne sais plus quel bulletin catholique auquel Catherine collabore. D'un commun accord elle et moi avons décidé que je parlerais de Flannery O'Connor, du livre de Petitfils sur Jésus et des deux de Chesterton consacrés à saint François d'Assise et saint Thomas d'Aquin. Je crois bien que c'est la première fois (en tout cas depuis fort longtemps) que je fais une entorse à mon principe sacro-saint (!) qui est de ne jamais rien écrire gratuitement pour aucune publication que ce soit. Mais bon : c'est pour Catherine… En tout cas, me voilà bien parti pour devenir une sorte de Mauriac paroissial.

– J'espérais vaguement que nous pourrions nous rendre au château de Chantilly lundi, mais les divers services météorologiques que j'ai consultés nous annoncent un temps bien humide, pour ne pas dire dégouttant. On ne bougera donc pas d'ici.


Samedi 3 mars

Cinq heures. – Anniversaire de mon frère : 52 ans.

– Passé la journée seul aujourd'hui, Catherine participant à je ne sais plus quelle journée-conférence catholique, pas très loin d'ici. Seul n'est d'ailleurs pas le mot juste, puisque le peintre qui refait à neuf notre salle de bain est venu me tenir compagnie dès neuf heures ce matin afin de parachever son travail. Il doit repasser d'une minute à l'autre, “pour les dernières finitions” et aussi en vue de toucher son argent bien entendu.

– J'ai quant à moi écrit le petit article que Catherine m'a demandé pour la page “livres” de je ne sais trop quel bulletin paroissial ou diocésain. (Décidément, je ne sais rien de rien, aujourd'hui.) J'ai eu toutes les peines du monde à me limiter aux trois mille signes demandés.  J'ai également relu et un peu coupé le texte de mon journal de janvier 2011, en prévision du volume que nous allons éditer pour mes parents, comme nous l'avons fait il y a quelques mois pour l'année 2010.


Dimanche 4 mars

Sept heures dix. – J'ai relu aujourd'hui le mois de février 2011 de ce journal. Surtout, Catherine a créé un nouveau livre Blurb dans lequel j'ai placé le mois de janvier relu hier. Et, comme la première fois, les caractéristiques de police (gras, italique, etc.) ont toutes sauté avec un bel ensemble, si bien qu'il va me falloir tout reprendre afin de les rétablir. Ce qui m'a considérablement rafraîchi l'enthousiasme.

– Commencé le livre de Claude Tresmontant intitulé Le Problème de la Révélation. Il s'annonce passionnant, mais je conçois que cette pénible manie qu'il a de répéter des trois ou quatre fois les mêmes choses avec des formulations à peine différentes ait pu énerver Catherine et, finalement, la conduire à renoncer à sa lecture. Heureusement, pour ce qui est du style, de l'humour, etc., je me console avec Chesterton, dont je viens, en parallèle, de commencer ses Hérétiques.

– Le (ou la ?) rougaille de saucisses préparé ce soir par Catherine était délicieux. Rien que pour ça nous avons bien fait de conserver l'île de la Réunion. Mais vraiment rien que pour ça. Ah non : également pour les deux jeunes et fort jolies natives qui ont partagé mon lit à quelques semaines d'intervalle (l'une étant la cousine de l'autre : le bouche à oreille avait joué, ce qui reste très flatteur pour le jeune mâle imbécile que j'étais alors), il y a environ trente ans.


Lundi 5 mars

Sept heures dix. – Je me suis attaqué au nouveau livre “Blurb” que je prévois de faire avec mon journal 2011 : j'ai déjà failli abandonner trois fois, et je n'en suis qu'au mois de janvier. Ça recommence exactement comme l'année dernière, des paragraphes qui se dupliquent tout seuls à différents endroits, des lignes qui refusent obstinément d'entrer dans le cadre que l'on a prévu pour elles, etc. Heureusement, cette fois-ci, m'y prenant très à l'avance, je vais pouvoir composer le volume petit à petit, en m'arrêtant chaque fois que la folie menace. Je pense que le mieux est de travailler le texte sous Word puis de transposer chaque journée revue dans Blurb, et non des mois entiers car plus le texte  transporté est important en volume et plus les aberrations ont tendance à se multiplier, ai-je cru observer.

– Le livre de Tresmontant est effectivement passionnant. La première partie, celle dans laquelle je suis actuellement plongé, examine la spécificité d'Israël (le peuple, pas le pays actuel) au travers de ses prophètes – lesquels prophètes je n'ai jamais lus, et il faudrait bien que j'aille y jeter quelques coups d'œil tout de même.

– Il y a une demi-heure, appel de Joseph Vebret. Nous devons déjeuner ensemble le 27 de ce mois. Il m'a demandé si je possédais le code d'accès au blog d'Ygor Yanka et j'ai dû lui expliquer que, pour le moment, ce blog était fermé à tout le monde, le temps pour lui que les passions s'apaisent, du côté de ses femmes passées, présentes et, je le crains, également à venir.

– La simple idée de devoir, demain, ressortir la voiture du parking pour me rendre à Paris, afin d'y consulter mon “super dermatologue”, le docteur Triller, cette simple idée a suffi à me rendre grognon la moitié de la journée d'aujourd'hui. Levallois – avenue Hoche, ce n'est pourtant pas l'équipée sauvage…

– En ce qui concerne l'élection prochaine, je m'achemine lentement mais de plus en plus sûrement vers l'abstention – au premier comme au second tour. Voter Le Pen me paraît chaque jour plus dénué de sens véritable, et choisir entre Hollande et Sarkozy sans le moindre intérêt, dans la mesure où, à deux ou trois broutilles “sociétales” près, les deux feront la même politique – ou plus exactement pas de politique du tout. Il est d'ailleurs fascinant de voir à quel point les deux candidats principaux en sont à énoncer tout et son contraire presque dans une même phrase, le premier pour conserver à tout prix sa confortable avance sondagière et le second pour tenter de remonter au score.


Mardi 6 mars

Quatre heures moins le quart. – Mon travail de la journée est terminé (j'ai “enterré” Gérard Rinaldi…), mais comme je dois récupérer Catherine devant le Monoprix de Neuilly à cinq heures et demie, me voici consigné ici, dans ce bureau de Levallois qui, pour ne pas changer, est une véritable étuve. Et comme les filles qui l'occupent avec moi sont toutes plus “cul gelé” les unes que les autres, pas question d'entrebâiller la moindre fenêtre, évidemment.

– Après que j'ai annoncé hier soir, sur le blog-mère, que je me dirigeais à grands pas vers l'abstention aux prochaines élections, la discussion se poursuit sur ce thème. Robert Marchenoir, malgré tout ce qu'il peut penser d'elle – et notamment de ses positions anti-libérales – penche très nettement en faveur du vote Le Pen, en raison de ses déclarations qu'il estime claires à propos de l'immigration. Je dois dire que ses arguments ne me laissent pas indifférents. D'autant moins que je me les suis déjà plus ou moins passés en revue.

– Le docteur Triller, dermatologue de son état, chez qui nous avions deux rendez-vous joints, Catherine et moi, ne m'a trouvé aucune ébauche de cancer cutané. En revanche, il m'a fait prendre un nouveau rendez-vous pour me débarrasser de cet énorme bouton fessier qui revient régulièrement me pourrir l'existence (et en particulier la station assise). Ce sera le 4 avril prochain.


Mercredi 7 mars

Sept heures vingt. – J'ai eu l'idée tout à l'heure de proposer à Philippe B. de ressusciter le bon vieux “feuilleton de l'été” dans FD : une histoire (d'un genre à définir) qui se déroulerait sur huit double pages, tout au long de juillet et août. Soit environ 60 à 70 000 signes à écrire, en huit chapitres avec, si possible, rebondissement à la fin de chacun. S'il acceptait, et consentait à un tarif “attractif”, soit au minimum 1500 euros par double pages, cela me rapporterait presque l'équivalent de trois BM tout en écrivant dix fois moins de texte.

– Été à FD pour rien aujourd'hui, dans la mesure où je n'ai eu aucun papier à écrire pour le numéro qui bouclait à une heure et que le livre (consacré à Joséphine Baker par l'un de ses innombrables fils adoptifs) avec lequel je suis rentré chez moi présente tellement peu d'intérêt que je ne vois pas comment on pourrait, même en se montrant peu exigeant, en tirer le moindre article. Toutefois, il convient de compter comme du travail l'heure que j'ai passée à parcourir ce pensum. Travail d'autant plus énervant que je brûlais de me replonger dans le livre que Staune a consacré au darwinisme, et que j'ai reçu hier.

– Pendant ce temps, mes lecteurs continuent de s'écharper sur le blog-mère, à propos des fonctionnaires, du communisme, du prix du beurre, etc. Avec, dominant et orchestrant le tout, un Marchenoir en très grande forme. Je ne comprends vraiment pas, avec les capacités de discussion et d'argumentation qui sont les siennes, pourquoi il refuse toujours obstinément à ouvrir son propre blog.


Jeudi 8 mars

Huit heures. –  Merveilleuse journée de cauchemar. Parti de la maison à neuf heures moins cinq ce matin, afin d'être à FD à dix heures, moment supposé de ce que j'appelle la “conf' des grouillots”, à savoir la réunion hebdomadaire de la piétaille dont je fais partie, durant laquelle chacun est censé proposer les sujets qu'il a trouvé dans son coin pendant la semaine écoulée. Au péage de Mantes, sur l'A13, premier bouchon, dû à un accident, annoncé par panneau lumineux. Résultat : environ vingt minutes de quasi sur-place pour franchir les cinq kilomètres nous séparant du dit accident, lequel avait complètement disparu lorsque je suis arrivé à sa hauteur supposée. La circulation se re-fluidifie plus ou moins…

Sur l'A14, deuxième alerte, plus inquiétante : un deuxième accident, dont on ne nous précise pas où il se situe, fait que le temps nous séparant du boulevard périphérique passe de 18 mn en temps normal à 1h15. Moyennant quoi, bien entendu, je décide de m'échapper avant le souterrain de la Défense et d'emprunter l'A86 – sans illusion excessive. Effectivement, comme nous sommes deux cent cinquante mille à avoir la même idée au même moment, l'autoroute en question est totalement engorgée. Roselyne me proposant alors d'emprunter la voie revenant vers Nanterre, et celle-ci ayant, à vue d'œil humain, l'air dégagée, j'obtempère. Bien à tort : je me retrouve sur une bretelle d'accès au boulevard circulaire de la Défense. Là, l'horreur devient absolue et, comme toujours dans ce genre de configuration, je cesse d'un coup de m'énerver. Je me fais semblable à un bloc de viande congelée, je deviens pure attente et renoncement.

Pas tout à fait cependant. Au bout d'un quart d'heure quasi immobile en plein cœur de ce quartier post-apocalyptique, n'en pouvant plus je décide de rentrer chez moi, reprogramme Roselyne qui, miraculeusement, m'incite à m'évader par cette rue, là, à gauche, miraculeusement vide de voitures. J'y vais. Je roule librement durant un petit kilomètre avant de m'engluer de nouveau dans une non-circulation démentielle. À tant faire que d'être entièrement bloqué, puisque je suis à moins de six kilomètres de mon lieu de travail, je rechange mon re-fusil de re-épaule et re-programme Roselyne en direction de Levallois. Elle me renvoie illico à la mélasse dont j'ai mis vingt minutes à m'extraire, sur le boulevard circulaire de la Défense.

À ce stade, le vernis de civilisation s'écaille et l'homme devient prêt à tout. Lorsqu'il avise une bretelle de sortie “Nanterre Université”, bien que n'ayant aucune idée de l'endroit où se trouve l'usine à savoir en question, il sort. Juste pour le plaisir de rouler tout seul pendant au moins trois cents mètres. Le hasard des circonvolutions routières le ramène alors sur l'A86, à l'endroit exact où il l'a quittée une demi-heure plus tôt. Il s'y engage : la sueur perle à ses tempes ; il n'est même plus en état de se rendre compte à quel point il a envie de pisser, depuis près de deux heures qu'il a quitté son doux foyer.

Naturellement, tout le monde s'en doute, l'autoroute qui semblait dégagée se rebouche. Grave. Juste avant d'emboutir l'arrière d'une camionnette contrainte de freiner en urgence, le désormais zombi avise une bretelle de sortie : “Bois-Colombes”. Hourra , Montjoie-Saint-Denis et toutes ces sortes de choses : comme il y a habité, dans les années 1992 – 1996, il connaît le quartier par cœur, et encore mieux le trajet pour rejoindre Levallois. Il s'y engage d'un cœur que l'on qualifiera de léger, ne reculant devant aucun cliché, à ce stade et après plus de deux heures de route.

Bois-Colombes, désormais, en tout cas aujourd'hui, ressemble un peu à l'Espagne telle qu'elle est depuis 40 ans : constamment en travaux.  Cette minuscule ville qui se traversait naguère en moins de quatre minutes aux heures où nous y sommes, il y faudra encore plus d'un quart d'heure, à cause des engins de chantier, des rues en circulation alternée, etc. Ce qui laissera au conducteur hébété l'occasion de constater les merveilleux et bénéfiques changements qui affectent les lieux qu'il a connus, quinze ans auparavant : bloqué à un feu tricolore et ayant tout le temps de détailler les douze à quinze personnes attendant le bus de l'aut' côté d'la rue (comme chantait Piaf), il pourra se livrer à des statistiques ethniques instantanées : deux Asiatiques, trois noirs, tout le reste arabe ; Français ? Zéro. Bon, merde, c'est vert…

Cerise sur le gâteau : enfin arrivé à Levallois, mon sésame refusera d'ouvrir la putain de saloperie de porte de parking.

Cerise sur la cerise sur le gâteau : aucun travail pour moi – j'ai fait le voyage pour rien.


Vendredi 9 mars

Sept heures et demie. – Suite à mes tribulations d'hier, j'avais décidé qu'aujourd'hui (et je l'avais dûment annoncé à qui de droit) je ne me rendrais à Levallois qu'à coup sûr, c'est-à-dire si un vrai travail m'y attendait. J'ai bien fait : personne ne m'a appelé. Sauf que le chef des informations m'a tout de même envoyé par mail un article à écrire, vers deux heures et demie. Mais comme il ne m'a pas téléphoné pour m'en avertir, je ne m'en suis aperçu que vers cinq heures, en repassant par hasard devant cet écran. Je vais donc devoir l'écrire demain (ou dimanche), de façon à ce qu'il le trouve dans sa boitamel lundi matin en arrivant. Pour cela, il va me falloir descendre jusqu'à Pacy demain matin afin d'y acheter Match. Acheter ce journal, alors que je pourrais en prendre chaque semaine dix exemplaires gratuitement à FD, cela m'énerve un peu…

– Le livre de Jean Staune, Au-delà de Darwin, s'est révélé passionnant et d'une lecture assez facile, compte tenu de mon faible niveau d'entendement. En revanche, Candide et le physicien, le livre d'entretiens écrit par Bernard d'Espagnat (le nom de son complice m'échappe) est un peu trop haut placé pour moi : je viens de l'abandonner après environ 80 pages. Non qu'il ne m'intéresse pas, mais je sens bien que, pour le coup, m'obstinant, il ne m'en resterait vraiment rien.

– Pour continuer de creuser la question du darwinisme, vue par ses contradicteurs, j'ai commandé le numéro des Débats de novembre 2008, dans lequel un dossier est consacré aux nouvelles pistes de la biologie. Je me demande d'ailleurs si je ne devrais pas m'abonner à cette revue qui, à chaque fois que j'ai eu l'occasion de la lire, ou d'en lire des extraits ici ou là, m'a toujours semblé fort intéressante.

– J'ai tout à l'heure commandé chez un libraire en ligne cinq BM datant des années 1990, en espérant pouvoir en recycler un ou deux, comme je l'ai fait la dernière fois avec un des miens. Si cela s'avère impossible, j'arrêterai définitivement d'en écrire, car je ne me sens plus capable d'un produire un ex nihilo. Enfin, capable, si, sans doute. Mais l'effort et l'ennui sont désormais trop grands pour l'argent que cela rapporte.


Samedi 10 mars

Sept heures et demie. – À l'heure et au jour où nous sommes, on voit mal ce qui pourrait encore empêcher le pitoyable Hollande de se retrouver dans deux mois et demi à l'Élysée. Il se laisse tranquillement porté par la bouc-émissérisation démente dont est victime Sarkozy, et il a bien raison. Comme le disait Giscard entre les deux tours de 1974 : « En somme, si nous ne faisons rien et ne disons rien, nous avons élection gagnée. » On sent bien que tel est aussi le raisonnement – sans doute juste – de Hollande. Il suffit de voir ses diverses “propositions” : elles ne sont rarement autre chose que des vœux pieux. Comme l'écrivait aujourd'hui je ne sais plus qui sur Causeur : quand on demande à Hollande ce qu'il fera à propos de tel ou tel problème, il se contente de répondre qu'il fera le nécessaire. Cela me rappelle son ex-femme qui, en 2007, répondait qu'elle en parlerait aux partenaires sociaux. Sauf qu'à elle l'esquive n'a pas porté chance. D'un autre côté, l'élection qui s'annonce n'est pas encore tout à fait jouée.

– Les arguments développés sur le blog-mère il y a quelques jours par Robert Marchenoir m'ont à peu près convaincu : sans illusion ni enthousiasme, je vais probablement voter pour Marine Le Pen au premier tour. Et probablement aussi Nicolas Sarkozy au second.

– Après avoir failli abandonner Tout est illuminé, le roman de Jonathan Safran Foer, aux alentours de la centième page (sur quatre cents), j'ai soudain été happé par lui, quasiment d'un chapitre sur l'autre, sans que je discerne bien pour quelle raison. C'était comme si, d'un coup, il venait de prendre chair et âme et m'avait aspiré à l'intérieur de l'une et de l'autre.

– Parallèlement, j'ai commencé à lire Le Moine et le Philosophe, le livre d'entretiens entre les Ricard père et fils. C'est à mon sens plus immédiatement intéressant que les entretiens du même moine avec Trinh Xuan Thuan, dans la mesure où Revel pose en gros (mais en beaucoup mieux) les questions qu'un néophyte dans mon genre aurait envie d'adresser au bouddhiste. Mais enfin, je crois que ma conversion n'est tout de même pas pour demain.

– Demain, justement, six mille signes à écrire sur Carla Bruni. Je le ferai pendant l'heure de la messe, ce qui est toujours mieux que d'aller au bistrot.


Dimanche 11 mars

Sept heures et demie. – Terminé en fin de matinée le roman de Foer, qui m'a finalement emballé, même si j'y ai trouvé tout de même quelques (peu nombreuses) scories, des facilités un peu “m'as-tu-vu-quand-je-fais-du-style” que le jeune âge de l'auteur explique sans doute. C'est néanmoins quelque chose : ça existe, comme dirait Marcheschi.

– Ce roman m'ayant en quelque sorte donné l'envie d'autres, j'ai provisoirement abandonné les Ricard à leur conversation pour commencer le gros livre de Tibor Déry, La Phrase inachevée,  qui débute ma foi fort bien, avec de superbes descriptions d'atmosphères urbaines et, il me semble, un sens du dialogue aigu. Après 70 pages sur près de 700, il serait hasardeux de m'engager davantage.

– J'ai tout de même réussi à distraire une heure de ces longues plages de lecture pour me débarrasser des quatre feuillets que j'avais à écrire à propos de Carla Bruni.

– Rien lu sur le discours de Sarkozy à Villepinte, et pas la moindre curiosité à son sujet.

– Juste avant de venir dans ce journal, j'ai finalement, sur un coup de tête, rétabli la blogroll du blog-mère : c'était bien la peine d'annoncer à son de trompe que je la supprimais, voilà deux mois… Après ça, je vais encore m'étonner si Georges éprouve le besoin de me tailler l'un de ces petits costumes dont il a le secret. Non, d'ailleurs : je ne sais quelle serait ma réaction, mais sûrement pas de l'étonnement.


Lundi 12 mars

Sept heures et demie. – Il y a du printemps dans l'air. D'une part les oiseaux s'excitent comme des crétins, ensuite mon herbe s'est remise à pousser (alors que la tondeuse est toujours chez le réviseur : penser à l'appeler demain), et enfin, nous avons passé environ quatre heures cet après-midi, chauffage coupé et porte grand ouverte.

– J'avance un peu péniblement dans le roman de Tibor Déry, mais quelque chose m'empêche de le lâcher encore.

– L'idée de me mettre au “livre Blurb” m'assomme de plus en plus. aussi ai-je décidé de surseoir et de m'en remettre à mes parents, puisque aussi bien c'est pour eux et uniquement pour eux que je me tape cette corvée. Si j'ai un quelconque “retour” au sujet du journal 2010 lors de notre prochaine rencontre, je m'astreindrai à leur bricoler un journal 2011 ; dans le cas contraire, je laisserai tomber l'affaire.

– Procédé aujourd'hui à la première relecture du journal de février (2012, cette fois), et décidé de son titre : Comme un désir d'Astrée. Laquelle Astrée n'a toujours pas été ouverte, depuis environ un mois que le livre est dans le salon.

– En feuilletant le magazine des programmes de télévision, Catherine a malencontreusement repéré un film québécois, auquel je ne devrais pas échapper. En dehors de la trilogie de Denys Arcand (Déclin de l'empire américain et les deux suites), les quelques films québécois que j'ai eu l'occasion de voir ne m'ont jamais vraiment enthousiasmé, et c'est le moins que je puisse dire. Mais enfin, c'est vite passé, une heure et demie.


Mardi 13 mars

Sept heures et demie. – Au fond, je me demande si les admirateurs inconditionnels de Céline ne signalent pas, par cette admiration même, leur peu de goût pour la littérature française.

– Il m'aura fallu près de 200 pages (sur 700) pour entrer véritablement dans le roman de Tibor Déry, La Phrase inachevée. Maintenant que j'y suis, personne ne parviendra à me faire croire que cet écrivain – son roman date des années trente – n'avait pas lu Proust avant de se mettre au travail. Il ne tient certes pas la comparaison, mais celle-ci ne le déshonore pas non plus. C'est particulièrement sensible, me semble-t-il, dans les scènes “de salon”, dans la manière de passer d'un groupe de personnages à l'autre, de faire évoluer le lecteur de manière très sinueuse entre des gens qui, eux, semblent figés dans une certaine immobilité discoureuse. On retrouve en outre chez Déry les mêmes passages obligés, un peu pénibles à la longue (les aubépines chez Proust, les paysages urbains enneigés chez lui). Mais Déry a aussi une façon très spéciale de jouer avec le temps. Il n'y a, dans son roman, pratiquement pas de présent narratif. Ou alors celui-ci est constitué par des micro-enroulements de passés proches et de futurs non moins proches, qu'il tisse en une trame à la fois subtile et serrée. C'est ainsi que des événements importants (mort d'un personnage par exemple) sont indiqués pour la première fois en une demi-phrase, parce que leur explication en viendra plus tard. Ou bien encore, ils sont évoqués comme ayant déjà eu lieu, et le récit de leur survenue est remis au chapitre suivant. Enfin, il n'est pas rare que, brièvement, Déry évoque les conséquences futures – et parfois lointainement futures – de l'acte ou des propos auxquels on vient d'assister. Il s'ensuit une espèce d'instabilité, d'insaisissabilité du temps, qui, avec des moyens très différents, fait effectivement songer à Proust. Ressemblance aussi dans la volonté d'interrompre le récit pour creuser les motivations de tel comportement, analyser les diverses significations d'une simple mimique, etc. La ressemblance, pour moi, va jusqu'au fait qu'il m'a fallu ces deux cents pages pour pénétrer dans l'œuvre : il m'en avait fallu presque autant lorsque j'ai abordé Swann pour la première fois, en 1980.

– Catherine croyait avoir acheté de la peinture gris clair afin d'en recouvrir les murs de notre chambre. À l'usage, ce matin, elle s'est avérée être plutôt gris foncé. Très foncé. « Ça va éclaircir en séchant ! », m'a alors assuré l'ouvrière, après un demi-mur. Ça n'a pas éclairci en séchant, et l'on se retrouve avec une sorte de chambre mortuaire du plus bel effet – c'est loin de me déplaire. Et puis, à nos âges, on se dit qu'une chambre mortuaire finira bien par être en phase avec ce qui s'y déroulera.

– La campagne électorale, bien sûr, avec son lot de stupidité à front de taureau et de foi aveugle. Dans le dernier sondage, les fameuses “courbes” de Sarkozy et de Hollande se sont finalement croisées, comme l'on dit (« Salut, toi, ça va, depuis l'temps ? – On fait aller, ma vieille, on fait aller. On suit son p'tit bonhomme de graphique… »). Immédiatement, pavloviens comme aucun chien n'oserait plus l'être, les blogueurs batavophiles entonnent le couplet usé jusqu'à la corde du sondage truqué, destiné à manipuler les foules. Les foules mais pas eux, naturellement : ils sont tellement intelligents et lucides, nos blogueurs…


Mercredi 14 mars

Sept heures vingt. –  Rochechouart vient de me faire parvenir la documentation en vue d'un nouvel article à écrire pour Enquêtes, un peu plus court que les précédents : environ six mille signes au lieu de dix mille les fois précédentes. Il s'agit en fait d'une véritable scène de BM, sauf qu'elle a effectivement eu lieu : un Mohammed quelconque revenu zigouiller son ex-femme (qu'il venait de quitter pour une autre plus docile…) chez elle, cette malheureuse ne devant son salut qu'à une sorte d'instinct animal la poussant, poignets tailladés et pissant le sang, à faire semblant d'être morte jusqu'à ce que son tortionnaire s'en aille. Bref, les joies et les douceurs de la diversité. Mais il faut reconnaître que, dans le domaine des faits divers crapoteux, nous n'avons pas grand-chose à leur envier.

– Virement de 1500 euros aujourd'hui, venant de GdV. Parallèlement, j'ai reçu ce matin les cinq BM d'occasion que j'avais commandés afin de tenter d'y puiser une idée “recyclable”.

– À peu près rien fait aujourd'hui, en dehors de quelques tâches ménagères, ce afin de soulager Catherine qui était occupée à repeindre notre chambre. J'ai bien avancé dans ma lecture de Déry, j'en ai même fait un billet sur le blog-mère, mais qui ne mérite nullement d'être mis en lien ici. Demain, je vais occuper ma matinée à travailler pour Rochechouart et, très probablement, mon après-midi à rien.


Jeudi 15 mars

Sept heures et demie. – Fait et expédié mon article pour Enquêtes. Rochechouart s'en déclare satisfait, si ce n'est mon nombre trop important, à ses yeux, d'adjectifs. (Trop de notes, Monsieur Mozart !) Mais enfin, la version corrigée par lui qu'il vient de m'envoyer ne diffère en effet pas beaucoup de mon original. Et cela devait sans doute bien lui aller puisqu'il vient de me demander si je ne pourrais pas en faire un second demain matin. J'ai dit oui, bien entendu : c'est que j'ai des fenêtres à changer, moi…

– Sinon, Catherine et moi sommes descendus à Pacy en début d'après-midi, d'abord pour accompagner René à la clinique (le carillon chez l'horloger) et pour y récupérer les deux toiles d'Olivier Deprez dûment encadrées. Nous avons également acheté un téléphone pour remplacer celui, agonisant, du salon télé. Nous avons eu deux pour le prix d'un (enfin, pour le prix d'un, je n'en sais rien, mais nous en avons bel et bien deux), de ces téléphones qui ressemblent à des portables et sont fichés sur un socle qui les alimente. Suivant la manie contemporaine, ces appareils disposent de soixante-quinze fonctions incompréhensibles pour un humain du XXe siècle et qui, la plupart du temps ne servent à rien d'autre qu'à perdre irrémédiablement leur malheureux utilisateur qui voulait juste s'en servir pour composer un numéro et parler à la personne décrochant à l'autre extrémité de la ligne.

– Catherine a ensuite appelé ma mère (pour jouer avec le nouveau jouet, évidemment), laquelle lui a dit lire mon journal 2010 tous les jours après le déjeuner, dans son fauteuil du salon, parce que le livre est trop lourd pour être lu le soir au lit. Et, comme elle a eu l'air ravie de cette lecture, me voilà obligé de lui préparer un second volume pour l'année 2011, corvée blurbienne à laquelle je comptais bien échapper. Mais enfin, inutile non plus de nier que sa réaction me fait grand plaisir.

– Juste avant, Catherine et moi avions émis l'hypothèse que nous pourrions aller passer trois jours à Sedan durant ma semaine de vacances du mois d'avril. Ma mère est d'accord et elle a appris à Catherine qu'Isabelle y serait, seule, en même temps que nous, ce qui est une excellente nouvelle. Je veux dire : c'est une excellente nouvelle que celle de sa présence, et non le fait qu'elle y vienne sans Olivier (ouh la la, mais dans quoi je m'embarque, moi ?). Bref, le séjour est programmé et inscrit sur les tablettes diplomatiques. Comme il sera court et que ma sœur sera là, nous zapperons pour cette fois la visite à Maître Yanka, en passe de devenir rituelle même si elle n'a encore eu lieu qu'une fois. C'est égal : j'aurais bien aimé entendre de sa bouche le récit de son petit séjour dans le Midi…

– Poursuivi ma lecture de La Phrase inachevée : mon intérêt commence à fléchir un peu ; je crains que le roman ne finisse par s'affaisser sous son propre poids. Mais je sais aussi que je dois me garder d'un travers stupide qui est trop souvent le mien : lorsque de nouveaux livres arrivent à la maison – et ce fut le cas aujourd'hui, à deux reprises même –, j'ai facilement cette tendance à vouloir sinon abandonner le livre en cours, du moins à en hâter la lecture, et donc à le lire de plus en plus mal, à seule fin de pouvoir me précipiter sur l'un des nouveaux arrivants. C'est totalement idiot, je le redis, mais j'ai beaucoup de mal à m'en empêcher. Et, si certains livres supportent très bien de partager mon temps disponible avec d'autres, ce n'est pas le cas du roman de Déry, beaucoup trop touffu et foisonnant pour qu'on puisse s'y retrouver après l'avoir abandonné quelques jours. Cette fois, la tentation est d'autant plus vive que j'ai en plus reçu la dernière livraison de la NRH ainsi qu'un vieux numéro du Débat, commandé il y a quelques semaines – revue à laquelle je me demande par ailleurs si je ne vais pas m'abonner. On verra lorsque j'aurai lu ce numéro qui vient de m'échoir.


Vendredi 16 mars

Six heures vingt. – C'est tout rougeaud et considérablement transpirant que j'arrive dans ce journal : première tonte de la saison, avec une machine sortant tout juste de révision et comme neuve, ronronnante à souhait. J'étais tout près de remettre cette mini-corvée à demain, mais je me suis souvenu que, dans un passé récent, tondre l'herbe me donnait immanquablement envie d'un apéritif, et que celui-ci allait me manquer demain. Et pourquoi pas aujourd'hui ? s'interrogera-t-on. Parce que, ce soir, il était déjà prévu que je le prisse, Catherine étant de sortie jusqu'aux environs de huit heures moins le quart. Passant la tondeuse dès maintenant, je faisais donc coup double : d'une part je justifiais cet alcool qui m'attends, d'autre part, étant occupé, je retardais de trois bons quarts d'heure le premier verre, ce qui me permettra (sans doute…) de n'être point trop bredouillant lorsque Catherine reparaîtra – et qu'elle émettra le désir de prendre elle aussi un verre en ma si charmante compagnie.

– Rochechouart m'a commandé ce matin un petit article – 5000 signes – au sujet de Nagui, lequel, l'autre matin, a surpris un cambrioleur qui venait de s'introduire chez lui, dans sa maison de la place du Tertre (mais comment peut-on avoir le mauvais goût d'habiter la place du Tertre ?). Les deux hommes se sont expliqués à coups de poings, le monte-en-l'air s'est enfui les mains vides et l'animateur s'en est tiré avec une arcade sourcilière ouverte (la gauche, ça porte bonheur). Finalement, je m'en suis mieux sorti que le cambrioleur puisque, à moi, la mésaventure rapportera finalement quatre cents euros, pour une petite heure de travail.

– Je me suis cet-après midi remis au futur livre Blurb. Et miracle : en transportant le texte depuis le blog du journal non plus mois par mois mais jour par jour, tous les problèmes en cascades que je rencontrais jusqu'à maintenant – et qui me rendaient fou –, tous ces problèmes ont disparu d'un même élan. Je vais donc transposer et corriger toute l'année 2011 tranquillement, à mon rythme et en m'arrêtant chaque fois juste avant que cela ne devienne trop lassant de relire ce fatras.

– J'ai finalement abandonné le roman de Tibor Déry à deux cents pages de la fin : je devais me forcer à le reprendre et n'avais plus qu'une hâte c'est d'en avoir terminé avec lui. Dans ces conditions autant en rester là. Je pense que je vais dès demain me plonger dans le numéro du Débat reçu hier.

– Là-dessus, l'heure raisonnable pour sortir les glaçons de leur habitacle réfrigéré se faisant toute proche…


Samedi 17 mars

Huit heures. – Aujourd'hui, ma grand-mère paternelle aurait eu 110 ans. Mais, comme me l'a fait observer Catherine, vu l'état pitoyable de mon autre grand-mère, qui vient d'en avoir 102, il est nettement préférable que Denise se soit doucement et tranquillement éteinte à 83 ans, en août 1985, soit trois mois avant Philippe Bernalin, qui n'en avait lui que 28. À ce propos, je me suis avisé, il y a deux ou trois jours, qu'après-demain j'aurai 56 ans, soit le double exact de son âge.

– Poursuivi cet après-midi – pendant que Catherine repassait à côté de moi – la lecture du journal 2011 et son déménagement dans le livre Blurb. J'ai terminé le mois de mars sans avoir à m'énerver une seule fois : en procédant par petits paquets de texte, l'un après l'autre, tout se passe à merveille. Pas trouvé de titre pour l'instant. Mais il reste neuf mois à relire…

– J'ai été bien inspiré de tondre le jardin hier, juste avant mon apéritif en solitaire, car aujourd'hui il a plus une bonne partie de la journée – et encore maintenant.


Dimanche 18 mars

Sept heures vingt. –  Remontant de nourrir les chiens, cette proposition : « On se prendrait un petit apéritif d'adieu ? » Catherine (qui devait s'attendre à ce genre de proposition) : « Mais je ne pars que pour trois jours et je ne compte pas mourir ! » Moi (tenant à mon apéro) : « Qu'est-ce que tu en sais ? » Bref, apéritif il y eut bien. Je suis revenu face à l'ordinateur avec un verre ultime, tandis que la pluie tombe tant qu'elle peut, cependant que les merles sonnent le tocsin.

Il va de soi que mon excuse était “bidon”, mais néanmoins, malgré la moquerie de Catherine, j'ai chaque fois qu'elle s'en va – même pour trois jours – la sensation d'un adieu, d'un adieu possible, d'une rupture éventuelle. Elle peut fort bien (ou moi) traverser une rue sans regarder et paf ! la voiture, le camion, la moto… Il est vrai que je n'y pense jamais lorsqu'elle descend à Pacy, par exemple. Mais dès qu'elle s'éloigne de moi de plus de 10 km et pour davantage que quelques heures, le fantasme de sa disparition redevient actif – chaque fois.

– Avant-hier, et parce que j'avais commencé à y penser avant son retour, je lui ai demandé si elle se rendait compte que, le temps passant, nous étions ensemble de mieux en mieux. C'est-à-dire si elle voyait que nous étions de plus en plus heureux. Je sais bien qu'il est assez obscène que nous soyons de plus en plus heureux, mais enfin, nous sommes tombés d'accord sur ce point. Elle a trouvé une sorte d'activité lui correspondant profondément. Moi, on m'a changé mon “logiciel” professionnel (j'en remercie Philippe B.), et je m'en trouve extraordinairement rajeuni.


Lundi 19 mars

Six heures. – 56 ans dans une heure. Journée solitaire, puisque Catherine est partie ce matin pour trois jours : Paray-le-Monial et Vézelay. Solitude qui me convient très bien, pour ce que j'ai à faire de mon anniversaire. J'en ai profité pour me livrer à des activités hautement intellectuelles et enrichissantes, comme par exemple aller à la déchetterie ou détartrer la cafetière. J'ai également transposé le mois de mai 2011 dans le livre Blurb, et terminé la lecture du numéro du Débat de novembre 2008. Je vais enchaîner avec L'Histoire d'Arnold Toynbee, dont j'ai lu tout à l'heure la préface, due à Raymond Aron.

– Pour revenir à cet anniversaire, j'ai eu un appel d'Adeline ce matin, et je suppose que ma mère va m'appeler tout à l'heure, juste au moment où je serai enfin assis dans mon fauteuil avec un verre de Ricard à la main. Peut-être un coup de fil de ma sœur, aussi : il me semble bien qu'elle m'appelle chaque année, à cette occasion.

– Demain, retour à FD après ces dix jours de vacances, durant lesquels je n'ai à peu près rien fait, si ce n'est poursuivre la mise en forme du livre Blurb – ce qui suppose tout de même de relire attentivement tout ce qui va y prendre place – et écrire deux articles pour Rochechouart.

– Appel de Catherine il y a environ deux heures : bien arrivée à Paray-le-Monial, elle se trouvait toute contente de disposer d'une chambre individuelle, avec vue sur la basilique et sur “une sorte de canal”, m'a-t-elle dit.

– Je vais fermer cet ordinateur pour m'inciter à n'y point revenir après mon apéritif…


Mardi 20 mars

Six heures et quart. – Je me suis senti d'humeur assez morose, presque triste (disons : tristounette…), à peu près toute la journée. Il va de soi que c'est l'effet de l'absence de Catherine – lequel commence de plus en plus tôt, puisqu'elle n'est partie que d'hier matin. Elle s'en est du reste aperçue lorsqu'elle m'a téléphoné ce matin. J'ai nié, en lui disant que c'était parce qu'elle me dérangeait en plein travail. C'était vrai, d'ailleurs, mais ce n'était certainement pas la raison de ma morosité. Du reste, je n'ai pas manqué de papiers à écrire aujourd'hui et c'était tant mieux : ça m'a évité de passer trop de temps à me contempler le nombril. En fait, je n'ai commencé à me sentir bien que tout à l'heure, en ouvrant le portail et en retrouvant les trois chiens.

– En principe ç'aurait dû être mon tour, demain, d'arriver à huit heures et demie, mais j'ai permuté avec le rédacteur de la semaine prochaine, ne tenant pas, en plus, à me lever au milieu de la nuit. Partir d'ici vers huit heures ou huit heures et quart suffira à mon bonheur.

– J'avais décidé, pour ne pas avoir à “sécuriser” le sous-sol, de couper le chauffage de la maison et d'en laisser la porte ouverte, afin que les chiens puissent sortir et rentrer tout à leur guise. Or, ce matin, à mon réveil, l'eau des gamelles était gelée et il faisait moins trois. Je m'en suis tout de même tenu au plan initial, en me disant que j'allais me les cailler velu en rentrant. Eh bien pas du tout : malgré la journée frisquette que nous avons eue, il faisait encore plus de quinze dans la maison. Deux ou trois Ricard par là-dessus et il n'y paraîtra plus.

– Le livre de Toynbee s'annonce passionnant, mais je n'avais pas trop l'esprit à une lecture soutenue aujourd'hui. D'ailleurs, entre deux heures et deux heures et demie, en salle de réunion, je me suis piteusement endormi sur le livre en question.


Mercredi 21 mars

Six heures et demie. – Matinée assez intense à FD, pour cause de repiquage massif : le tueur de Toulouse et Montauban ayant été repéré et cerné dans son appartement, très tôt ce matin, par les hommes du RAID, les quatre pages écrites hier n'étaient évidemment plus d'actualité et il a fallu tout recommencer dans une relative urgence. Ne faisant pas partie des deux “punis” censés être là à huit heures et demie, je n'ai récupéré qu'un court papier assez annexe. Mais, ensuite, comme Nathalie se trouvait seule au rewriting, je me suis évidemment proposé pour lui prendre une partie du travail, lequel, je le savais, allait nous arriver très tard dans la matinée et devrait par conséquent être effectué très vite. C'est ce qui fut fait et nous avons passé une matinée assez excitante, dans la mesure où, tandis que nous reprenions les textes écrits par les deux reporters, les informations continuaient de tomber et qu'il nous incombait de les incorporer à mesure. Bref, le temps a passé sans m'en apercevoir et j'ai eu l'impression de faire vraiment, pour une fois, mon travail de journaliste.

– Je ne m'en suis pas vanté (l'ambiance n'était pas spécialement à la rigolade…), mais je me suis beaucoup amusé d'apprendre qu'il s'agissait d'un taré islamiste et non, comme tout le monde voulait le croire depuis hier, je ne sais quel tordu néo-nazi. Du coup, nous avons échappé à la logorrhée vertueuse et indignée sur l'ensemble des blogs progressistes. Lesquels blogs se sont tout de même bien ridiculisés, dans la mesure où beaucoup d'entre ces petits personnages ont cru bon de publier des billets pour y dire que, face à l'horreur (merci pour le cliché : tout le monde se met à écrire comme France Dimanche…) seul le silence était digne. Parler pour dire qu'on va se taire : voilà qui, apparemment, n'a dérangé personne.

– Un pas dans le grotesque et l'ignoble a tout de même été franchi par le camarade CSP, qui s'est précipité sur son clavier afin d'agonir les “fachos” d'injures, au prétexte qu'ils allaient se déchaîner et récupérer cette tuerie musulmane au profit de leurs idées “nauséabondes”. Il oublie simplement, ce bébé rose (il vit à Toulouse…), que c'est exactement ce qu'il a fait, lui, lors d'une précédente tuerie. Mais il est vrai que, cette fois-là, elle avait été perpétrée par un Norvégien blanc d'extrême droite, ce qui autorisait tous les déchaînements. Le pis est que je suis persuadé qu'il ne se rend même pas compte de sa propre aberration idéologique.

En fait, le principe désormais acquis est le suivant : si un malade mental d'extrême droite se met à mitrailler des gens, ce sont ses idées d'extrême droite qui en sont responsables ; mais si c'est un malade mental musulman qui fait la même chose, alors c'est sa maladie mentale qui est fautive, et surtout pas lui, et encore moins, bien entendu, le fait qu'il soit musulman. Par conséquent, il faut se garder de l'instrumentaliser.

– À l'issue de son petit périple bourguignon de trois jours, Catherine devait arriver à Évreux vers sept heures et demie. Et, donc, être ici aux alentours de huit heures. J'avais par conséquent prévu de ne me mettre à mon “apéritif d'attente” que vers sept heures, afin d'être encore digne et droit dans mes charentaises au moment de sa survenue. Mais voilà que leur car est tombé en panne ce matin, en arrivant à Vézelay et que, de ce fait, elles ont quitté cette ville avec une grosse heure de retard. Ce qui fait qu'elle ne pourra pas être là avant neuf heures, en mettant les choses au mieux. Mais c'est que, moi, je n'ai nullement l'intention de patienter jusqu'à huit heures pour sortir les glaçons du frigo ! Cela dit, il est déjà sept heures et je suis toujours devant ce clavier. Disons que je vais tenter d'y rester jusqu'à sept heures et demie…


Jeudi 22 mars

Huit heures et demie. – Aujourd'hui, Denis, mon colocataire de la rue de Patay, et le premier à m'avoir souhaité la bienvenue au lycée Pothier d'Orléans, en novembre 1972 ; Denis, dont je n'ai plus de nouvelles depuis quinze ans, a 57 ans. Si ça se trouve, il est mort. Oui parce que (je crois l'avoir déjà raconté ici) j'ai tenté de raccrocher les wagons, il y a deux ou trois ans. Et j'ai appelé sa mère, dans cette maison, à Chécy, Loiret, où j'ai passé quelques-unes des plus belles soirées-nuits de ma vie de jeune crétin. Je l'ai eue. Elle m'a dit qu'elle ne savait pas ce qu'était devenu son fils ; qu'elle n'avait aucun moyen de la joindre. Et j'ai bien été obligé de la croire.

En vérité, je ne l'ai pas crue. Les Barthès ont toujours été un peu bizarres, dans leurs rapports familiaux – et Denis l'a toujours su. C'était d'ailleurs étonnant, il y a quarante ans. Quand il venait chez nous, dans cette maison de la Ferté-Saint-Aubin qui me reste si chère, il ne pouvait jamais en repartir. Ça étonnait beaucoup ma mère. Bien entendu : elle ne pouvait pas comprendre que l'on puisse fuir à ce point une famille dans laquelle régnait une perpétuelle tension, avec explosion constamment sous-jacente. Moi non plus d'ailleurs. Mais, moi, je m'en foutais, je ne pensais pas.J'avais entre 17 et 20 ans et Denis était ce qui m'était arrivé de mieux dans ma vie, avec Carlos.

Et, donc, il a disparu. Bien sûr, avant cela, on s'est éloigné. Comme tous les adolescents qui deviennent des adultes. On se revoyait, de loin en loin ; de plus loin en plus loin, si je puis dire. Sauf que, lui, il a fini par disparaître complètement. J'essaie régulièrement de le retrouver, je tape son nom dans Google. Mais évidemment, quand vous tapez “Barthès”, vous tombez sur 2500 inconnus qui ne vous intéressent pas, et jamais sur votre Barthès à vous.

Il est assez probable que je ne le reverrai jamais, ce Denis-là. Je me doute qu'il doit penser à moi à peu près aussi souvent que je pense à lui – obligé. Il revoit tout comme moi ce deux-pièces au 21 de la rue de Patay, cette minuscule entrée où nous tenions table ouverte (quatre personnes maximum, sinon impossible de caser tout le monde…), il repense parfois à ces soirées interminables où nous rebricolions le monde à notre convenance (et sans boire, s'il vous plaît !), il revoit – encore avant – ces nuits où nous arpentions le canal longeant la Loire, avec Ruby, son chien (tellement joyeux de cette promenade non prévue, comme le sont aujourd'hui mes chiens à moi), entre minuit et quatre heures du matin, emmitouflés l'hiver, persuadés que le monde allait se plier à nos volontés, que nos idées généreuses avaient tellement de force que, tout naturellement, elles ne pouvaient que gagner.

Denis n'aimait pas le lycée, il n'aimait pas les “études”. Moi oui, au fond. Il faisait tout ce qu'il pouvait pour ne pas y venir, ou au moins pour arriver en retard. Il y parvenait très bien. Je n'étais pas au lycée Pothier depuis deux semaines, que j'ai vu ce type, à la chevelure aussi frisée que celle d'un arabe, arriver en cours avec trois quarts d'heure de retard et brandissant triomphalement sa roue de Solex en forme de huit : une bouche d'égout malencontreusement ouverte sur son trajet… J'avais été fort épaté, moi qui, à la même époque, prenait le bus de sept heures plutôt que celui de sept heures et demie, pour ne pas risquer d'être deux minutes en retard au cours de huit heures…

On est devenu amis le tout premier jour de mon arrivée au lycée, lorsqu'il m'a à moitié déboîté l'épaule, alors que nous étions en rang devant je ne sais quelle salle de classe (parce que, oui, en cette époque, en ces années soixante-dix, nous attendions, en rang devant la porte, que le professeur nous autorise à entrer ; et pourtant, nous nous pensions très révolutionnaires) : « Alors, c'est toi, le nouveau ? » En effet, c'était moi ; le guignol qui arrive deux mois après le début de l'année scolaire – une situation que j'avais déjà vécu plusieurs fois, en tant que fils de militaire. Un truc pénible. La porte de la classe s'ouvre, vous entrez, précédé par le censeur, ou le surveillant général ; trente paires d'yeux se braquent sur vous (et dans le tas, il y a des filles…), on vous présente ; vous avez envie de rentrer sous terre, de cesser d'exister. Si vous êtes Didier Goux, ce gros butor, vous vous en tirez plutôt à votre avantage : deux semaines plus tard, vous avez mis tout le monde dans votre poche, vous êtes presque le patron, et de toute façon, comme vous avez à peu près les meilleurs résultats de la classe où vous avez atterri, et qu'en plus vous êtes le plus grand, le plus gros et celui qui cloue le bec à tout le monde par son sens de la répartie, vous êtes à peu près peinard.

Mais si vous êtes fils de militaire et pas Didier Goux, vous pouvez en chier grave. Chaque transfert d'école peut être pour vous un cataclysme, un effondrement total. Déjà vous étiez persuadé que personne ne vous aimait dans votre école précédente, mais enfin vous aviez plus ou moins réussi à vous mitonner une petite niche, n'est-ce pas ? Et voilà le déménagement : tout s'écroule. Vous êtes perdu, mais bien entendu vous ne dites rien à vos parents, parce que ce genre de cataclysme ne concerne pas les parents. Et, de vos yeux de bête promise au sacrifice, vous regardez avec envie et incompréhension ce gros con de Didier Goux, en vous demandant comment il fait pour mettre tout le monde dans sa poche en deux semaines.

Vous avez tort de l'envier : il a la même tremblote que vous ; un demi-siècle plus tard, il revoit la porte de cette damnée salle de classe s'ouvrir et les soixante yeux se braquer sur lui. Mais il devait être plus épais que vous, moins destructible. Il s'en est tiré comme ça. En plus, il n'était pas comestible. C'est l'avantage d'être grand et gros. Quand on déménage souvent, il vaut mieux être grand et gros.

Et je vois bien que j'ai perdu Denis de vue, avec tout ça. Mais bon : perdu pour perdu, je lui souhaite d'être heureux, il le mérite.


Vendredi 23 mars

Sept heures vingt. – Six mille signes écrits sur Eddy Mitchell, ce matin. Travail amusant et facile à faire. Demain, même quantité à produire, mais à propos de Cécilia ex-Sarkozy, en se basant sur le récent livre de Catherine Nay : pas du tout amusant et sans doute moins facile. Sinon, pas fait grand-chose à part, cet après-midi, relire le mois d'août 2011 de ce journal et le transposer dans le livre Blurb.

– Renaud Camus appelle à voter en faveur de Marine Le Pen.

– Pas écrit le moindre billet depuis deux jours, sur le blog-mère, et ça ne me manque nullement.

– Ah, si : j'ai également lu un vieux BM – visiblement écrit par Muray –, l'un de ceux achetés tout récemment auprès de je ne sais plus quelle officine de livres d'occasion. Il est parfaitement réutilisable, moyennant quelques aménagements destinés à éliminer les détails un peu trop voyants, qui risqueraient de mettre la puce à l'oreille à quelques lecteurs fanatiques. Mais je ne suis pas très sûr d'avoir envie de le faire. On verra ça vers le 15 mai.


Samedi 24 mars

Sept heures cinq. – Dîner commencé un peu plus tôt que d'ordinaire et expédié en un temps record (une sorte de croustade de pain de mie, garnie de morilles, dés de jambons, crème, le tout gratiné au four, recette de Robuchon – sauf le jambon qui est un rajout de Catherine).

– Écrit sans trop de peine mes six mille signes sur Cécilia ex-Sarkozy ce matin (j'en ai du reste fait sept mille). Je m'y suis mis vers onze heures, sans aucun courage, en me disant que j'allais simplement revoir ma documentation et que je me garderais le gros du travail pour cet après-midi. Comme, ce faisant, je venais de trouver l'idée du début, la première phrase, j'ai pensé qu'il valait mieux la noter tout de suite, qu'elle servirait d'incitation lorsque viendrait le temps de s'y mettre réellement. Puis, une chose en entraînant une autre, et une phrase sa suivante, j'ai finalement écrit le papier en entier, et tout était fini à midi et demie. Ce qui m'a permis de relire une centaine de pages de Mrs Dalloway cet après-midi, mais également le mois de septembre 2011 du journal et de le transférer dans le livre Blurb.

– Je n'ai appris que cet après-midi, et tout à fait par hasard en consultant le magazine des programmes de télévision, que nous repassions à l'heure d'été dès cette nuit, alors que je n'attendais cet événement imbécile que la semaine prochaine. J'ai toujours pensé que le changement se produisait lors du dernier samedi de mars. Or, l'heure étant avancée vers deux ou trois heures du matin, il s'agit en fait du dernier dimanche de mars. Et comme, dimanche en huit, nous serons le premier avril… Ils sont forts, à Bruxelles. (Car je suppose qu'une telle décision est trop importante pour être prise au simple niveau national. D'autant qu'il y faut, nécessairement, une impeccable et rigoureuse coordination.) La conséquence de tout cela est que, si le temps chaud, ensoleillé et non venteux de ces derniers jours daigne se prolonger jusqu'au milieu de la semaine prochaine, il n'est pas impossible que, mercredi ou jeudi, nous puissions prendre notre premier apéritif vespéral de la saison sur la terrasse.

– J'ai également relu (en partie) un vieux BM, lui aussi dû à la plume de Muray, se déroulant dans les milieu naturistes/échangistes du Cap d'Agde. L'histoire est facilement réutilisable pour le peu que j'aille planter mon décor ailleurs. Dans les Landes ? À voir.


Dimanche 25 mars

Huit heures. – La crevette n'a pas digéré, on dirait, le fait que je ne sois pas intervenu dans les tirs de shrapnels qu'elle s'est pris à travers la figure. Tirs assez “soft”, m'a-t-il pourtant semblé. Quelqu'un l'a traitée, chez moi, de “poule pondeuse”, ou quelque chose d'approchant. Si je n'ai pas réagi, c'est déjà que quand les tirs se font intensifs, sur le blog-mère, je cesse absolument de lire ce qui arrive dans ma boitamel. Ensuite, je n'ai pas trouvé  très méchant (ni très intelligent, certes, ni très élégant) que l'on traite une mère de neuf enfants de “poule pondeuse” : c'est idiot, mais rien de plus. Enfin, j'ai décidé, lorsque j'ai ouvert le blog-mère, que je ne censurerais personne, que chacun se démerderait avec ses contradicteurs. c'est ce que j'ai expliqué à Axelle, par mail privé. Puis, Damien m'a, à son tour, adressé un mail privé, pour me dire qu'il comprenait très bien ma position.

Là-dessus, que constaté-je ? Que je disparais des écrans radars, c'est-à-dire que je je suis plus dans la fameuse “blogroll” de la Crevette (malgré les mails que nous avons échangés depuis hier). Évidemment, je m'en fous – d'être dans cette blogroll, ou dans telle autre, ou de n'être plus dans aucune. Mais je suis triste (un peu triste) de voir Axelle tomber dans ce genre de gamineries.


Lundi 26 mars

Trois heures et demie. – Relisant le mois de décembre 2011 de ce journal – dernier mois devant être transféré dans le livre Blurb –, je me suis soudain avisé de ce que je n'avais pas pris la peine de chercher, ni donc de trouver, la phrase à mettre en exergue sur la quatrième de couverture, ainsi que je l'avais fait pour Autel de non retour. À peine avais-je fini de penser cela que, à la fin de l'entrée du 8 décembre, je tombe sur celle-ci : « Eh bien, avec tout ça, il est tout de même déjà quatre heures moins le quart. » Bien sûr, en conclusion de ce qui précède, elle se justifie tout à fait : je venais de dire que mon début d'après-midi (à Levallois) était d'un ennui si mortel que je venais dans ce journal uniquement dans l'espoir de faire passer plus vite le temps. Mais je trouve que, isolée de son environnement et reproduite toute seule sur la couverture du livre, elle produirait un effet cocasse tout à fait délicieux – et d'ailleurs je vais le faire.


Mercredi 28 mars

Onze heures et demie (du matin). – Je suis venu hier soir (après apéritif…) dans ce journal avec l'idée d'y noter deux ou trois choses bien précises et concrètes. Au lieu de ça, je me suis embarqué dans des considérations plus ou moins filandreuses à propos d'une tierce personne, dont je viens de supprimer la totalité. Et, bien entendu, ce faisant, j'ai oublié ce que je me proposais initialement d'écrire.

– Parmi elles, toutefois, il y avait très certainement mon déjeuner avec Joseph Vebret, qui m'a rejoint à À table ! (en réalité, comme il est arrivé le premier, c'est plutôt moi qui l'y ai rejoint). Il m'avait apporté son dernier roman, Menteries, que je compte lire dès que j'en aurai terminé avec Mrs Dalloway. Déjeuner fort agréable, d'abord parce que Joseph l'est naturellement, agréable, et ensuite parce que nous étions installés sur la terrasse où il régnait une douceur toute printanière. Nous avons arrosé nos divers aliments avec de l'eau municipale, ce qui a contribué à ne point trop grever nos budgets respectifs. Et nous avons bien sûr beaucoup parlé (mais surtout lui…), notamment de Renaud Camus, puisque je venais de lui consacrer un petit billet relativement critique, en tout cas un peu désenchanté.

– L'une des raisons qui, une fois rentré à la maison, m'ont fait céder aux sirènes apéritives est que je tenais à me récompenser de ce que j'avais su résister à leur chant lors du déjeuner. Mais la principale était d'ordre tactique : sachant que, les soirs “normaux” (c'est-à-dire non alcoolisés), je ne m'endors jamais avant une heure voire deux du matin, et que je devais aujourd'hui me lever à six heures et demie, il m'est apparu que la meilleure chose à faire était de boire suffisamment pour pouvoir aller me mettre au lit à neuf heures et demie et m'endormir aussitôt. C'est ce qui fut fait et fonctionna parfaitement selon les prévisions.

– Il va falloir que je trouve un moment pour relire une nouvelle fois le journal de février, lequel devrait en principe être mis en ligne dimanche. Mais le week-end s'annonce assez tempétueux dans la mesure où, vendredi, Adeline arrive de Barcelone avec ses deux enfants ; et samedi c'est au tour d'Élodie de venir de Saint-Malo, tout ce petit monde bruyant et agité ne devant repartir que lundi soir, c'est-à-dire à la fin de mon week-end précisément – je tente malaisément de cacher ma joie.

– Ce matin, par chance, un travail m'attendait à mon arrivée (je dis par chance car les mercredis où il n'y a rien à faire la matinée paraît fort longue. Bref, Gabriel, le chef des informations m'apporte une feuille sur laquelle se trouvaient trois lignes de texte, que je recopie ici : D'après son mari, Nicoletta a subi une petite intervention chirurgicale pour enlever un grain de beauté qu'elle avait au milieu du nez et qui la gênait d'un point de vue esthétique. L'opération s'est déroulée il y a 15 jours. Benoîtement le même Gabriel m'annonce que, le papier étant prévu pour faire la une, il ne saurait compter moins de trois feuillets, soit 4500 signes : du pur FD, en somme. Mais je ne vais pas faire semblant de me plaindre : écrire trois feuillets à partir de rien, et que le résultat soit intéressant à lire, ou au moins se lise sans ennui, voilà exactement ce que j'aime faire.


Jeudi 29 mars

Huit heures. – Apéritif, bien évidemment, puisque demain débarquent Adeline et ses deux enfants pour trois jours. (Ah non, merde : quatre…) D'une part cela me donne envie de prendre cet apéritif et, d'autre part part, cela coupe tout argument à Catherine pour m'en faire passer l'envie.


Vendredi 30 mars

Cinq heures. – Je profite d'un moment d'accalmie – Catherine, Adeline et les deux enfants viennent de partir pour la piscine… – pour venir noter deux ou trois choses ici. Après, il ne saura plus en être question, puisque les enfants dormiront dans la chambre qui est attenante à ce bureau.

– Gabriel, le chef des informations de FD, m'a signifié par mail, tout à l'heure, qu'ils acceptaient mon idée de papier à partir du livre de Patrick Sébastien, que j'ai lu très rapidement hier après-midi : le récit d'un déjeuner à l'Élysée, en tête à tête avec Sarkozy. Deux feuillets et demi que j'écrirai tranquillement demain matin, Adeline ayant eu l'idée, à mon avis heureuse, d'aller passer la journée à Paris avec ses deux enfants.

– Aucune nouvelle de Rochechouart depuis deux semaines : raison de plus pour prolonger un peu ma participation à la BM, il me semble.

– J'ai publié ce matin le journal de février qui, en toute logique, n'aurait dû l'être que demain. Puis, j'ai consacré quelques heures à commencer de relire et corriger mon journal d'août afin d'en faire un “livre Blurb” – livre qui sera plus mince que les deux autres, dans la mesure où ce journal fut commencé à Plieux en août, interrompu en septembre et repris seulement le 16 octobre, pour ne plus s'interrompre ensuite. Je crois, si Catherine n'a pas perdu ses photos faites à cette époque, que nous allons illustrer plus richement ce volume que les précédents.

– Catherine a quitté la maison ce matin à six heures et demie, afin d'être à l'aéroport de Beauvais à l'arrivée de sa fille, prévue pour huit heures dix. L'avion était à l'heure et j'ai récupéré tout ce petit monde agité et plein de vie aux environ d'onze heures. Depuis, le temps s'écoule comme il peut.

– J'ai tout de même réussi (profitant de la sieste des autres) à lire une cinquantaine de pages de Toynbee, passionnantes mais bien trop riches pour que la lecture puisse se prolonger après le réveil des siesteurs…


Samedi 31 mars

Cinq heures et demie. – Je suis venu, cher journal, me réfugier ici, dans la Case, après t'avoir donné comme prétexte pour fuir le vacarme produit dans la maison par Catherine, ses deux filles et ses deux petits-enfants : j'espère que tu ne m'en tiendras pas rigueur. Je reviens de la gare de Vernon où je suis allé récupérer Adeline et les deux enfants, qui ont passé la journée à Paris ; ce qui m'a permis, en fin de matinée, le calme régnant de nouveau à El Paso, d'expédier les deux feuillets et demi que je devais écrire pour FD, à propos de Patrick Sébastien et de Nicolas Sarkozy – mais je raconterai l'anecdote un autre jour. Élodie, quant à elle, est arrivée de Bretagne peu après quatre heures.

– J'ai de plus en plus envie – mais je ne sais pas trop pourquoi – de publier le journal 2009, celui qui commence à Plieux, avant celui de 2011, dont le texte est pourtant prêt, relu, mis en pages, etc. Je pense qu'il serait logique que je le dédie à Renaud Camus, mais il me faudrait alors lui demander son autorisation, comme il est je crois d'usage de faire. J'hésite encore : ne serait-ce pas un peu ridicule ? Si, sans doute.

– Ce soir, Catherine a décrété que ce serait la soirée d'anniversaire d'Élodie, laquelle est pourtant née le 14 mars : on est difficilement plus gamine.

– Aujourd'hui, la température a chuté d'environ dix degrés par rapport à hier et le soleil ne s'est montré à aucun moment : on sent qu'on va vers l'hiver.

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