mercredi 30 juillet 2014

Juin 2014









DES ANNIE ET DES BERNARD








Dimanche 1er juin

Sept heures dix. – C'est toujours le problème, quand on teste des recettes culinaires inconnues : la surprise peut être excellente, et elle l'est souvent par chez nous, elle peut également se révéler désastreuse. Ce fut le cas ce soir : Catherine avait décidé de se lancer sur les acras de morue, accompagnés d'une délicieuse salade de son jardin. Je n'aurai qu'un commentaire : heureusement que la salade était là, et le pain pour l'accompagner. Pour le reste, nous eûmes tous deux l'impression de grignoter des boules de caoutchouc, au vague parfum de poisson. Nous mîmes rapidement fin à l'expérience, ce qui ne va nullement nous empêcher de traîner après nous une odeur de friture durant toute la soirée à venir.

Pour quelqu'un qui venait de passer sa journée à lire Brillat-Savarin, on peut dire que la chute était brutale.


Lundi 2 juin

Sept heures dix. – Cela fait plus d'un mois que j'ai pris rendez-vous avec un “spécialiste” des questions de retraite, afin d'avoir, si c'est possible, une vue exacte de ma situation à ce propos ; rendez-vous fixé au 23 juin à 11 h 45. La personne qui m'avait alors attribué cette date m'avait assuré que, courant juin, je recevrais de sa part le désormais traditionnel mail de confirmation ; je n'y croyais qu'à moitié, évidemment. Or, il vient bel et bien de m'arriver – mais sous cette forme, qui me laisse perplexe :

Afin que ******* puisse vous faire bénéficier d'un service client optimal lors de l’entretien individuel, merci de bien vouloir imprimer le mandat ci-joint, le compléter et le renvoyer rapidement à Madame ******* par mail.

Je sais bien que je ne suis qu'une buse pour tout ce qui touche à l'informatique, mais je comprends mal comment je vais pouvoir envoyer un document imprimé par mail. Et je me demande si, plutôt qu'un pdf sur lequel il est impossible de rien écrire, il n'aurait pas été plus simple de m'envoyer un document Word, qui, lui, aurait pu, une fois “renseigné”, être renvoyé par mail. Heureusement, la personne à qui je suis censé le faire parvenir me donne aussi son adresse postale ; si bien que, concernant ma nébuleuse retraite, tous les espoirs restent encore permis. La seule chose certaine, pour le moment, est que mon entrevue avec M. X, le retraitologue, se déroulera dans le bureau 431 de l'immeuble où je travaille : cette précision chiffrée a quelque chose de rassurant, de presque doux ; on sent que des gens ont eu à cœur de prendre de leur temps pour m'obliger et me faciliter la vie.


Mardi 3 juin

Sept heures et quart. – Ce matin, mes chefs de FD (qui  me croyaient en vacances et n'avaient prévu aucun travail pour moi…) m'ont refilé un livre qui vient de paraître et qui est une parodie du journal que Valérie Trierweiler aurait pu tenir entre 2012 et 2014 ; tout en m'avertissant de ne pas y passer trop de temps, vu qu'utiliser cette pochade pour en tirer un article nous ferait presque à coup sûr tomber dans la diffamation. Je l'ai donc ouvert avec l'idée de laisser mes regards ennuyés glisser le long de ses pages. Et puis, rapidement, je me suis surpris à le lire vraiment (et à l'avoir presque terminé à l'heure qu'il est) : visiblement, l'auteur connaît bien les gens dont il parle, les milieux qu'il décrit, etc. Si bien qu'il en tire 250 pages amusantes, et qui auraient même pu être savoureuses si, en plus d'être informé, il avait été écrivain.

J'ai aussi récupéré un article sur ce répugnant imbécile de Noah ; mais comme il est programmé pour le prochain numéro et non pour celui en cours, j'ai sagement décidé de ne m'en point préoccuper avant demain. Voilà un guignol “médiatique” que j'ai réellement du mal à supporter ; ils sont finalement assez rares, en trente ans de FD : la grande majorité des autres me sont simplement indifférents, n'ayant pas plus d'existence, à mes yeux, que des tags sur un mur. Cette “tuile” m'a cependant fait ressouvenir que la mère de ce Noah avait été à l'école primaire (ou au collège Nassau ?) avec la mienne ; plus exactement, je crois que, un peu plus jeune, elle était dans la classe de ma tante Évelyne. Enfin, je ne sais plus trop, il faudrait aller puiser dans la mémoire maternelle. En tout cas, ces femmes ont été de petites Sedanaises contemporaines. Quelques années plus tard, le club de football de Sedan – grande équipe à cette époque – a fait venir un joueur camerounais du nom de Noah ; lequel n'a eu qu'à puiser dans le vivier féminin local. Si bien que s'il avait rencontré ma mère, c'est moi qui aurais gagné Roland Garros en 1983 et ferais à l'heure qu'il est acte de résistance en bavant des chansonnettes contre le Front national et en arborant des coiffures ridicules.


Mercredi 4 juin

Sept heures et demie. – En revenant vers la maison, début d'après-midi, j'ai essuyé un ouragan de pluie comme il s'en produit rarement en Normandie : durant cinq ou six kilomètres, sur l'autoroute, tout le monde roulait à quarante kilomètres-heure, tous feux de détresse clignotant. Ce qui n'empêchait nullement Nat King Cole de chanter ni de pianoter. Cole se marie fort bien avec la pluie,  même excessive.

– J'ai reçu aujourd'hui le deuxième volume de la nouvelle trilogie de François Taillandier. Il s'intitule La Croix et le Croissant, et fait suite à L'Écriture du monde, paru l'année dernière, ou peut-être fin 2012, je ne me souviens plus guère. Il sera commencé demain, dès que j'en aurai terminé avec Brillat-Savarin. Taillandier est sans doute le romancier le plus intéressant et riche de notre époque – avec Houellebecq, donc. On comprend fort bien pourquoi il a choisi de s'intéresser à cette période qui va de l'effondrement de l'empire romain à “l'invention de l'Occident”, c'est-à-dire à Charlemagne, c'est-à-dire à la première des tentatives de reconstitution de l'empire qui vont ensuite émailler toute l'histoire ; et dont l'Union européenne n'est peut-être que l'ultime avatar.

Bien sûr, il sera facile de se moquer : « Ah ! ah ! ah ! le vieux réac qui se voit déjà en toge, allant assister à un lâcher de musulmans dans l'arène aux lions ! Reconstituer l'empire, au XXIe siècle ? Mais il est à enfermer ! » En guise de préliminaire, on notera que, pour Modernœud, dire « on est tout de même en 2014 ! », ou bien : « Voir des choses pareilles au XXIe siècle, c'est à n'y pas croire ! », cela dispense d'explications plus approfondies : tout le monde est censé s'apercevoir avec lui de l'énormité de la chose qu'il n'explicite pas. Il se croit péremptoire, il n'est que ridicule. Imagine-t-on un bourgeois de Paris, voyant un condamné à mort traîné en place de Grève, s'écrier : « Vous n'allez pas brûler cet homme après l'avoir fait écarteler par quatre robustes percherons, j'espère ? On est tout de même en 1342, merde ! ». Fou rire assuré. Mais revenons à l'empire et à sa résurgence. Je rappellerai simplement qu'à Rome la République n'a jamais été abolie, et que les citoyens romains tenaient beaucoup à ce que ses représentations perdurassent, et en tout premier lieu le Sénat. Ils ont vécu ainsi durant quatre siècles, entre leur empire bien réel et leur république d'apparence. Qui peut assurer que nous ne sommes pas en train de connaître une situation similaire ?

Que tout cela ne nous empêche pas de lire Taillandier.


Jeudi 5 juin

Sept heures vingt. –  J'ai finalement passé la journée en compagnie de Renaud Camus, ayant reçu hier le volume des Demeures de l'esprit consacré à l'Île-de-France (désolé, Monsieur Taillandier : il vous faudra patienter au moins jusqu'à demain…). La lecture de la première moitié du volume m'a donné la brusque envie d'une petite excursion à la Vallée-aux-Loups, que je n'ai jamais vue, et qui, outre Chateaubriand, serait l'occasion d'un petit coup de galurin (on ne peut parler de chapeau, dans son cas) à notre cher Léautaud. Comme ce serait à peu de choses près sur notre route, nous pourrions, dans la même journée, faire escale à Marly, chez Dumas, ce qui nous constituerait une bonne petite journée, bien remplie mais pas trop.

– En début d'après-midi, Catherine m'a triomphalement annoncé que nous allions, au dîner, nous régaler des premiers radis de son jardin. Finalement, après cueillette, elle en a rapporté huit, et gros comme des billes. Ils étaient néanmoins excellents, ce qui n'a fait qu'augmenter mon regret qu'ils ne fussent pas plus nombreux ni plus joufflus.

– Il faudrait bien, demain, que je commence à m'intéresser au transfert des livres de cette fucking bibliothèque qui doivent être transportés au sous-sol.


Vendredi 6 juin

Cinq heures. – Ce matin, l'été a débarqué en Normandie, ce qui était bien le moins aujourd'hui. Il doit faire près de trente degrés à l'ombre, alors qu'avant-hier encore, nous ne dépassions pas quinze, et sous des trombes d'eau. Conséquence fatale mais prévisible : nous allons, tout à l'heure, prendre notre premier apéritif extérieur de la saison.

– Terminé les Demeures de l'esprit en milieu d'après-midi et enchaîné aussitôt avec le Taillandier. Il s'ouvre sur les invasions mahométanes…

Huit heures. – À propos du très hypothétique roman à venir, je crois qu'il me faut m'arrêter à cette idée d'une chose à deux personnages masculins. En très gros : moi aujourd'hui, et moi avant-hier. Le tout est que ces deux hommes existent réellement, et indépendamment l'un de l'autre. Et aussi qu'ils “s'articulent” autour de Houellebecq.


Samedi 7 juin

Sept heures et quart. – Le livre de Taillandier est vraiment superbe, et je l'ai lu quasiment d'une traite. J'en ai d'ailleurs tiré, cet après-midi, un assez copieux billet. Sinon, on a réussi à survivre au 6 juin et à son Débarcadère, ce n'est déjà pas si mal. Les blogueurs de gauche, eux, sont transis d'admiration devant les exceptionnels talents de ce sublime orateur qu'est François Hollande à leurs oreilles. Pendant un moment, je me suis demandé s'ils se moquaient, tant le discours du personnage était à la fois convenu et ampoulé. Mais non : ils semblaient sincères dans leur admiration.


Lundi 8 juin

Sept heures et demie. – Je ne parviens pas à me souvenir pourquoi je ne suis pas venu dans ce journal hier soir, alors que je n'avais même pas l'excuse d'un apéritif. Peut-être me suis-je rendu compte que je n'avais strictement rien à y écrire. C'est du reste la même chose ce soir, à part qu'il me fallait noter que je n'avais rien eu à écrire hier : c'est ce qui s'appelle tourner en rond. Bien. Je pourrais évidemment signaler, pour ma petite mortification personnelle, que je n'ai toujours pas fait mine de déménager au sous-sol les livres qui doivent l'être, afin de réorganiser la bibliothèque d'ici et d'en résorber l'engorgement, alors que voilà au moins trois semaines que Catherine m'a obligeamment dégager les placards nécessaires au transbordement.

– Tout de même : ce matin, nous avons emmené (emporté serait d'ailleurs plus juste) Bergotte à la clinique vétérinaire. Avant-hier, en sautant après Catherine, pour lui manifester sa joie de la voir quitter la chambre au matin, elle s'est soudain écroulée à terre en poussant de petits cris de douleur suraigus. Depuis, elle ne quitte quasiment plus son panier et, quand elle se résout à le faire, elle boîte et gémit en marchant. Donc, consultation. J'ai déposé la maîtresse et la chienne devant la clinique, puis, comme je n'étais d'aucune utilité durant la consultation, je suis allé chercher le pain et quelques denrées alimentaires annexes. Lorsque je suis revenu, Catherine m'attendait déjà dehors, Bergotte au bout de la laisse. Sortant de la voiture, j'étais à une dizaine de mètres d'elle, et j'ai eu la certitude de la voir en pleurs. Je me suis dit : « Et voilà, ça y est, le verdict est mauvais, nous allons perdre notre dernier chien… » En m'approchant, j'ai heureusement pu constater que Catherine ne pleurait nullement. Et c'est d'une voix toute naturelle et tranquille qu'elle m'a annoncé qu'il s'agissait d'un simple problème d'arthrose, que la cortisone allait très probablement résoudre. Il n'empêche que, durant deux ou trois secondes, j'ai vraiment cru à la mort imminente de Bergotte.

– Au chapitre des lectures, j'en ai terminé avec Brillat-Savarin et j'ai commencé le Sartor Resartus de Carlyle. Mais, en réalité, j'ai surtout fait des mots croisés…


Mardi 9 juin

Sept heures et demie. – Plus le temps passe et plus, à chaque nouvelle semaine qui commence,  je rechigne à retourner à FD ; spécialement lorsque je viens de passer dix jours sans y aller. Le pis est que, une fois sur place, le court séjour que j'y fais ne me pèse nullement. C'est l'idée qui pèse…

– Mes petits amis de gauche (Nicolas, et Sarkofrance entre autres) font mine de s'inquiéter du possible éclatement de l'UMP ; peut-être sont-ils sincères d'ailleurs, bien que j'aie du mal à y croire. Leur argument est qu'une UMP solide est nécessaire pour, je cite leurs propos convenus, leurs “éléments de langage” à eux, faire barrage au FN, ou au moins à sa crue. En cela, ils sont, me semble-t-il,  d'une totale incohérence, dans la mesure où, lorsqu'un cadre de l'UMP fait seulement mine de prendre un peu en compte les aspirations des électeurs du dit FN, les mêmes Nicolas et Sarkomachin hurlent qu'il fait le jeu de Marine Le Pen. Et je me demande comment un Juppé par exemple (les petits soldats de la gauche institutionnelle adooorent Juppé…) pourrait “faire barrage” au FN alors que, sur à peu près tous les sujets, il ressemble à s'y méprendre à un encarté du parti socialiste.

Quant à moi, je me contrefous de savoir si l'UMP va éclater ou non ; bien que le spectacle vaudrait sûrement le détour.


Mercredi 10 juin

Sept heures vingt. – Je reçois à l'instant un mail d'Olivier Lequeux. Il m'informe qu'il vient de rencontrer Caroline Noirot, la directrice des Belles Lettres, et que son livre sortira sous cette auguste bannière en janvier ou février de l'année prochaine. J'en suis sincèrement content pour lui, et suis ravi d'avoir fait passer son manuscrit à Michel Desgranges (sur la suggestion de Jérôme Vallet, je ne l'oublie pas), voilà quelques mois.

– Hier, l'attachée de presse de ces mêmes Belles Lettres m'a fait parvenir le petit article que La Nef a publié ce mois-ci à propos d'En territoire ennemi. Comme je m'y attendais plus ou moins, il était signé du Père B.


Jeudi 11 juin

Sept heures et quart. – Mon travail d'hier consistait à lire un livre de trois cents pages, les “mémoires” de William Leymergie, un animateur-journaliste qui officie dans une émission matinale de la télévision française depuis 72 ans environ. Le but était d'y trouver un sujet d'article et de le proposer à mes divinités tutélaires ; lesquelles, en retour, me confieraient le dit article à écrire, ce qui constituerait mon travail d'aujourd'hui. Lecture faite, voici le mail que j'ai envoyé à Levallois :

Mes bien chers chefs,

je viens tout juste de terminer les 300 pages d'insipide bavardage commises par le sieur Leymergie. C'est consternant. Voilà un type qui a passé toute son enfance et son adolescence entre Madagascar, l'Algérie, le Mali et le Sénégal, et qui est incapable d'en retirer la moindre anecdote un peu piquante ou simplement amusante. Qu'apprend-on ? Que son père le grondait quand il ramenait des mauvaises notes à la maison : waouh ! Que, le dimanche, ils allaient passer la journée en famille à la plage : re-waouh ! Qu'à 14 ans, il a commencé à s'intéresser aux filles : re-re-waouh ! Et tout à l'avenant.

Pour ce qui concerne la “révélation” de la sœur qui n'est en fait qu'une demi-sœur, ça occupe un tiers de page. Un jour, il a 13 ans, sa mère le prend à part et lui déballe le truc. Ensuite, cinq lignes de commentaire dans ce style : « Ça m'a fait un peu drôle sur le moment, et puis je n'y ai plus pensé. » Well, well, well… Par comparaison, il prend deux pages et demie pour expliquer comment il s'est fait gauler par le surveillant d'internat alors qu'il s'en grillait une dans les chiottes du lycée…

Je n'ai vraiment trouvé qu'une seule anecdote, qui occupe exactement 11 lignes. Lorsqu'il se retrouve pensionnaire en Vendée, il a pour condisciple Allain Bougrain-Dubourg. Lequel, un jour, exhibe la photo de sa sœur. Celle-ci est si jolie que Leymergie la lui subtilise, pour faire croire à ses trois ou quatre potes que c'est sa petite copine. End of story. De quoi faire une oreillette d'un feuillet un tiers, en tirant bien.

À la longue, cette lecture devient presque surréaliste. L'auteur a vécu à Alger au plus fort de la guerre d'indépendance, il était inscrit à la fac de Nanterre en 1968, et… Et rien ! Il ne voit rien, n'entend rien, il ne lui arrive rien ! L'événement, c'est quand il parvient à embrasser la pisseuse qu'il a entraînée voir un film minable au cinéma du coin. Ou quand son frère aîné, militaire, se demande en 61 si c'est mieux de suivre le quarteron de généraux en retraite ou d'obéir à de Gaulle. Papa lui dit de fermer sa gueule et tout s'assoupit de nouveau.

Hébété, le lecteur se dit que ça va être plus intéressant lorsque l'auteur va devenir un personnage public, que l'on va enfin croiser des gens connus. Sauf que le livre se termine au moment où il entre dans le métier, si bien qu'on ne croise personne, absolument personne.

La seule façon de s'en tirer serait de faire ça sous forme de feature. Le papier s'intitulerait quelque chose comme : « W. L. : SON PÈRE ÉTAIT UN AFRICAIN ! » et on raconterait son enfance itinérante en essayant de faire gonfler cette pâte molle, si tant est que ce soit possible. Mais quel intérêt ?

J'attends le verdict et ses attendus…

Didier

Je ne sais si le journal de la semaine prochaine s'annonce particulièrement vide ; toujours est-il que, à ma grande surprise, il m'a été demandé d'écrire en effet 2300 signes (un feuillet et demi) sur l'anecdote Bougrain-Dubourg ; ce qui fut fait ce matin en une vingtaine de minutes. Puisque nous en parlons, et parce que certains lecteurs m'ont déjà demandé comment on faisait un article pour FD, voici celui qui est sorti de mon clavier, à partir de l'anecdote contée plus haut :

Vous avez soif d’horizons nouveaux, mais en même temps vous avez la flemme de sortir de chez vous ? Vous rêvez de vous baigner dans le fleuve Niger avec les phacochères, ou d’arpenter les ruelles de la Casbah d’Alger, sans bouger de votre fauteuil ? J’ai ce qu’il vous faut : Les Dents du bonheur, livre qui vient de paraître aux éditions Albin Michel. Ce sont les mémoires de William Lemeyrgie, qui a passé son enfance et son adolescence entre l’Algérie et le Sénégal, en passant par le Mali ou Madagascar, grâce à son père « africain » ; comprenez : officier dans l’armée coloniale.
On y découvre que le petit William, assez tard venu, fut un enfant à la fois choyé et turbulent ; turbulent parce que choyé, sans doute. L’école l’ennuyait et il ne se gênait pas pour le faire comprendre à ses instituteurs et professeurs de façon particulièrement bruyante et perturbatrice ! Et le fait, à l’adolescence, de se retrouver soudain pensionnaire à La Rochelle non seulement ne l’assagit pas, mais augmente au contraire ses envies de chahut. Il ira même, un jour, jusqu’à « kidnapper » la sœur de l’un de ses camarades !
Il était un peu bizarre, ce jeune pensionnaire, d’ailleurs ; un drôle de type que William repère tout de suite : « Il m’intrigue beaucoup, écrit-il, car il ne parle que d’animaux, d’oiseaux… Dans les revues posées sur sa table, il y a des photos de fauves, de grands singes, et il paraît que son casier abrite un hamster et, parfois même, des serpents ! »
Mais voilà qu’un jour, ce garçon curieux exhibe quelque chose de bien plus intéressant encore : la photographie de sa sœur, une véritable beauté. Et c’est là que William va lui jouer un tour pendable. Dans son livre, il s’adresse directement au petit camarade de cette lointaine époque :
« Elle était tellement jolie que je t’ai subtilisé le cliché pour le montrer à des copains en la faisant passer pour ma petite amie. Je me suis taillé un beau succès, crois-moi, et j’en ai fait fantasmer plus d’un ! Mea culpa. »
Cet adolescent à qui ce diable de William n’a pas hésité à « voler » sa trop jolie sœur, il l’a revu bien des années plus tard, dans les couloirs de la télévision.
Car il se nommait Allain Bougrain-Dubourg.
Didier BALBEC


– Demain, nous partons pour la côte normande ; d'abord Étretat, où Catherine tient absolument à retourner, je me demande bien pourquoi, et ensuite chez mes parents [note du 5 juillet : comme j'ai spontanément écrit “chez mes parents” plutôt que “chez ma mère”, je le laisse…], où seront mes oncle et tante Annie et Bernard “de Lille” et mes oncle et tante Annie et Bernard “de Sedan”. Nous y allons en raison d'une cérémonie commémorative qui aura lieu samedi matin à Ermenouville – chez ma sœur, donc – et sur laquelle je reviendrai à notre retour. Nous y allons partie pour cette cérémonie et partie en raison du fait que ces Annie et ces Bernard sont d'assez loin ce que je préfère dans ma famille.


Samedi 14 juin

Dix heures. – Retour de chez Isabelle ; cette entrée sera courte. Très content (mais sur fond de tristesse) de revoir les deux “Annie et Bernard”, et assez ému de cette brève et sobre cérémonie à Ermenouville. J'y reviendrai demain. Du reste, j'avais prévu – fatigue – de ne pas venir ici ce soir. Mais j'ai tout de même fait un billet sur le sujet, et, ensuite, éprouvé le besoin de tracer quelques mots en ce journal.


Dimanche 15 juin

Trois heures. – Nous sommes donc partis vendredi matin peu avant dix heures, pour une journée somme toute assez fatigante, dans la mesure où je n'ai guère arrêté de conduire. Notre première étape fut un complet ratage : une abbaye remontant au VIIe siècle, située aujourd'hui dans la banlieue du Havre. Le problème est que seule la fondation de l'abbaye est ancienne : pour les bâtiments, ils sont tout ce qu'il y a de plus moderne et de plus violemment restauré. Du coup, comme il n'y a rien à voir mais qu'il faut tout de même attirer le chaland, on a installé dans les salles une sorte de parcours éducatif et ludique, à base de diaporamas et de voix enregistrées, qui se déclenchent dès que les détecteurs de mouvements signalent votre arrivée à la machine infernale. Ce qui se dit est peut-être fort intéressant, mais ce n'est pas du tout ce que nous avions espéré trouver, et nous avons fui très rapidement.

Traverser Le Havre en voiture, même aux heures dites creuses, est une épreuve pénible, tant les responsables de l'Équipement ont mis un soin maniaque à désynchroniser les feux tricolores qui ponctuent les immenses avenue rectilignes. Le plan de circulation est encore compliqué par l'existence d'un tramway, qui est bien une invention à la con, du moins du point de vue de l'automobiliste. L'église Saint-Joseph, malgré tout, valait le détour. Édifiée, comme la plus grande partie de la ville, par Auguste Perret après la guerre, cet hommage au béton ne manque pas d'une certaine grandeur, à défaut de grâce, notamment en raison de son immense clocher creux et agrémenté du haut en bas par de petits carreaux de couleurs laissant entrer les rayons du soleil. Évidemment, sans doute par manque d'habitude, on a tout de même un peu de mal à se croire dans une église ; les sièges repliables, façon fauteuils de cinéma, y sont certainement pour beaucoup.

Nous avons déjeuné quelques kilomètres avant Étretat, dans un petit restaurant de village qui ne mérite nullement que son nom passe à la postérité induite par ce journal. Ensuite, Étretat, donc. Comme la grande majorité des villes balnéaires, celle-ci ne présente rigoureusement aucun intérêt, hormis sa fameuse aiguille. Beau point de vue, cependant, lorsqu'on grimpe jusqu'à la petite chapelle qui domine la baie, et dont le nom m'échappe. Après une brève halte à Yport, nous avons rallié Fontaine-le-Dun et la maison de ma mère, où Annie et Bernard “de Lille” se trouvaient déjà. Mon oncle n'étant jamais en peine de sujets de conversation, nous avons passé une heure fort agréable dans le jardin, avant de filer à Ermenouville, chez Isabelle et Olivier, où il était prévu que nous dormissions. Enfin, à huit heures, tout le monde (Annie et Bernard “de Sedan” étaient arrivés à Fontaine dans l'intervalle) s'est retrouvé à Saint-Valéry-en Caux, ma mère ayant réservé une table au restaurant du casino ; comme ni elle ni Isabelle et Olivier n'y était jamais allé, Catherine et moi craignions un peu le pire.

Eh bien, nous avions tort, car l'établissement est d'excellente tenue, surtout si l'on tient compte des tarifs qui y sont pratiqués. J'ai notamment dégotté sur la carte des vins un chablis 1er cru à 35 € qui était digne d'éloges ; il y fut fait honneur, en particulier vers le bout de la table où je me trouvais. En prime, par les grandes baies donnant sur la mer, nous eûmes droit à un superbe coucher de soleil de carte postale. Ensuite, il y eut dislocation du groupe, les vieux rentrant dormir chez ma mère et les jeunes chez Isabelle. (Ces réunions de famille sont désormais le seul endroit où il me soit encore loisible de me sentir réellement jeune…) Deux petits verres de mirabelle lorraine plus tard, tout le monde était au lit.

Hier matin, samedi, le rendez-vous était fixé à neuf heures et demie, autour du monument d'Ermenouville – une grosse pierre gravée – commémorant le combat mené par le 12ème régiment de chasseurs à cheval, auquel appartenait notre père et grand-père ; combat à l'issue duquel il fut fait prisonnier, lui parmi d'autres, et envoyé en Allemagne. (J'en ai fait un billet hier soir.) Bernard de Lille avait accroché ses décorations à sa poitrine et coiffé son béret de parachutiste, ce qui a eu pour effet de me rajeunir encore un peu plus.

La cérémonie fut courte et sobre : deux allocutions, l'une par le président de l'Amicale des anciens du 12ème chasseur, le chef d'escadron Lemaire, l'autre par le maire d'Ermenouville.  Parmi les porte-drapeaux alignés vis-à-vis le public, on remarquait un Écossais en tenue d'Écossais, ce qui ne manquait pas d'allure. Dans son petit discours, le maire évoqua la personne de René Jadoulle et indiqua la présence, en ce jour, de ses enfants et petits-enfants. Ensuite, ma mère, Annie “de Sedan” et Bernard “de Lille” furent tous trois invités à venir participer au dépôt de gerbes. Enfin, une Marseillaise fut entonnée ; et, ma foi, je crois bien que c'était la première fois de ma vie que je chantais la Marseillaise en une circonstance de ce genre. Si l'on avait prédit ça au jeune pseudo-anarchiste que je fus…

J'ai oublié de dire qu'à l'issue des deux speechs, Catherine était en larmes ; ce que découvrant, Isabelle se mit à pleurer également. Heureusement, la contagion ne s'étendit pas plus avant, bien que ma mère ne parût pas si éloignée des larmes elle non plus. Comme il se doit, tout ce petit monde – nous étions quelques dizaines – s'est rapatrié à la salle communale pour l'inévitable vin d'honneur. Comme il n'y avait à boire d'alcoolisé que du vin blanc à bulles, je n'ai eu aucune peine à y résister ; et d'autant moins que je n'étais pas tout à fait remis du cocktail chablis/mirabelle de la veille. Les vieux sont ensuite partis pour Saint-Valéry, où avait lieu une autre commémoration, tandis que nous, les jeunes, revenions chez Isabelle. Durant l'absence des trois autres, partis chercher des victuailles diverses dans une ferme des environs, et profitant de ce que le mince volume traînait sur la table du salon, j'ai lu un recueil de nouvelles d'Anna Gavalda, expérience qu'il ne m'avait pas encore été donné de faire. On ne peut même pas dire que ce soit nul : ce n'est rien. Au sens plein du terme, ça n'existe pas.

Lorsque tout le monde s'est de nouveau trouvé réuni dans le jardin, Catherine et moi avons avalé quelques petits fours avant de reprendre la route, au moment où les autres s'apprêtaient à passer à table. Et à trois heures nous étions à la maison, fatigués mais somme toute satisfaits de ces deux jours assez chargés en émotion, au moins de mon point de vue. Je pense que nous y retournerons l'année prochaine, pour peu que nous soyons encore vivants tous les deux.

– Aujourd'hui, journée parfaitement étale : une grille de mots croisés, quelques chapitres de Carlyle, une grille, quelques chapitres…


Lundi 16 juin

Sept heures et demie. – J'ai bien cru, ce matin, que j'allais être dispensé d'aller à Levallois demain, ce qui m'aurait bien arrangé. Au sortir de leur conférence quotidienne, mes vénérés chefs m'ont donné à lire un livre (livre en kit : un ensemble de feuilles non jointes…) de 160 pages, dont le sujet est le fameux triangle des Bermudes : Hollande – Trierweiler – Gayet ; en me disant que l'on ferait en fin d'après-midi le point sur l'angle à donner à l'article que j'écrirais demain ; de là ma déduction qu'il serait alors inutile que je me déplaçasse. Hélas, ma grande honnêteté intellectuelle, renforcée par une conscience professionnelle féroce, a fait que j'ai dit tout le mal que je pensais de l'ouvrage et le peu d'enthousiasme que m'inspirait le seul sujet éventuellement possible que j'y avais trouvé.  Conséquence : Ph. B. m'a dit qu'il ne prendrait sa décision que demain, en fonction de l'actualité ; ce qui implique donc qu'il me faudra me rendre à la rédaction, pour le cas où un autre sujet m'écherrait. Et, avec tout ça, les abrutis irresponsables de Sud et de la CGT continuent de foutre le bordel dans les transports par rail, ce qui a évidemment des conséquences néfastes sur la circulation autoroutière.

– Un certain Bruno F. vient de me faire parvenir la recension qu'il a faite d'En territoire ennemi, dans une revue dont j'avoue tout ignorer, Réfléchir et Agir. Comme elle n'est pas trop longue, je l'aurais bien reproduite ici, mais j'ignore absolument comment on s'y prend pour transférer du texte d'un pdf à un autre document, Word ou assimilé ; je ne sais d'ailleurs même pas si la chose est possible.


Mardi 17 juin

Sept heures et demie. – Un jeune Rom se fait tabasser très durement aux alentours d'un hypermarché situé dans une ville potentiellement explosive de la banlieue parisienne. Aussitôt, les ondes et les colonnes se remplissent des cris d'indignation surjoués du président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur, pas moins. Je suis étonné qu'aucune voix progressiste ne soit encore venue se scandaliser publiquement du silence inqualifiable du président du Sénat et de celui de l'Assemblée nationale – sans même parler du Primat des Gaules. Tout cela pour un fait divers, regrettable certes, moralement condamnable re-certes, mais sans la moindre importance. Le monde devient chaque jour un peu plus amusant.

– J'ai reçu et commencé à lire le livre que Ghislain de Diesbach consacre au savoir-vivre ; j'y retrouve cet “humour imperturbable” qui s'exerçait déjà dans son excellente biographie de Proust, mais qui, ici, vu le sujet, trouve à se déployer d'une manière absolument irrésistible. C'est une sorte de frère d'armes de Renaud Camus, et, sur certains sujets (le chapitre sur les hôtels notamment…), j'en arrivais à me demander si je lisais l'un ou l'autre.


Mercredi 18 juin

Huit heures. – Un Ghislain chasse l'autre : j'ai eu à écrire six mille signes aujourd'hui, à propos d'un malheureux homme – occupant un poste important chez Lafarge –, dont la femme et deux de leurs trois enfants se trouvaient à bord du Boeing des Malaysia Airlines dont on est toujours sans nouvelles. Il s'appelle Ghislain Wattrelos, et est persuadé qu'il s'agit non d'un accident mais d'un détournement. Les arguments qu'il donnent sont plausibles, mais les arguments des tenants du complot, de la conspiration du silence, etc., ont presque toujours des arguments qui, à première vue (et je n'en ai pas d'autres), semblent plausibles. Ce qui est surprenant, c'est que les coupures de journaux que j'ai eues en main orthographient son prénom ainsi que je viens de le faire, et qui est celle courante, alors que la plupart des sites internet écrivent Ghyslain, y compris les sites des deux journaux (Figaro et Journal du dimanche) qui suppriment le “y” dans leur version papier. Curieux…

– J'ai terminé tout à l'heure le Nouveau savoir-vivre de Diesbach, pour en revenir à lui, et je puis confirmer que c'est une lecture savoureuse, l'auteur semblant s'amuser au moins autant que nous, ses lecteurs. Ce que j'appelais hier son humour imperturbable atteint parfois à l'hénaurme, comme lorsqu'il conseille, avec un sérieux parfait, quand on n'est pas très au fait de la cynégétique, de décliner prudemment toute invitation à une chasse à courre qui pourrait nous parvenir.


Jeudi 19 juin

Sept heures. – Mes chefs attigent un peu ! Il était plus de midi et demie lorsqu'ils m'ont envoyé par mail deux articles à écrire, de 4000 signes chaque. Le premier était du genre pénible, puisque m'obligeant, pour savoir de quoi il retourne, à m'appuyer une vingtaine de minutes d'une émission du pitre nommé Cyrille (évidemment orthographié Cyril…) Hanouna, dont je ne supporte ni les stupidités en rafales ni même la trogne. Quant au second, c'était encore mieux : une simple phrase de cinq lignes émanant de Pierre Perret – autre individu insupportable à mes yeux et oreilles –, sans la moindre indication d'angle, de thème, etc. Angle et thème qui, malgré ma demande réitérée, ne me sont toujours pas parvenus. Du coup, par mauvaise humeur, je n'ai strictement rien fait aujourd'hui.

– J'ai reçu ce matin le premier numéro de cette revue de géopolitique à laquelle je me suis abonné sur un coup de tête, et qui s'appelle Conflits. Comme elle a été créée et qu'elle est dirigée par Pascal Gauchon, ancien militant d'extrême droite, je suppose que l'on va s'empresser de me démontrer combien j'ai eu tort de m'abonner à ce torchon – torchon très agréablement présenté néanmoins et, pour ce que j'en ai lu, écrit en français.

J'ai reçu également Lourdes, lentes…, roman d'André Hardellet, un écrivain dont le nom m'était très vaguement familier mais dont j'ignore absolument tout. Je ne sais déjà plus qui et dans quel journal m'a donné envie d'aller y voir d'un peu plus près. Un article de Causeur, peut-être ?


Vendredi 20 juin

Sept heures et demie. – Lu entièrement le livre d'Hardellet (96 pages : bel exploit…), et j'en demeure enchanté ; j'en ai d'ailleurs fait un petit billet vite troussé, et pas assez intéressant pour que je le remette en lien ici. Comme j'avais commandé deux livres du même auteur, j'ai assez hâte de recevoir le second ; dont j'ai déjà oublié le titre.

– Je me demande si le fait d'apprécier le silence, ou d'être importuné par le bruit même quand il est assez léger, ne serait pas dépendant d'un certain niveau de culture, ou d'éducation : je ne sais trop comment appeler cela. J'y repensais tout à l'heure, alors que Catherine et moi étions sur la terrasse, à regarder dorer les côtelettes de porc allongées sur la grille du barbecue. Le voisin d'en face venait d'arriver dans sa voiture. Quand il en descend pour ouvrir son portail, comme d'habitude les voix et “musiques” sortant de son autoradio nous parviennent. Au moment où il remonte dans la voiture, un de ses amis arrive et entame la conversation ; eh bien, durant tout le temps qu'a duré celle-ci – un gros quart d'heure –, à aucun moment il n'a songé à coupé le son, lequel devait pourtant bien les gêner, ou aurait dû, de mon point de vue. Cela me rappelle, quand nous vivions dans un hameau des bords de Loire, ce paysan qui passait devant chez nous sur son tracteur, pour rejoindre les champs s'étendant entre le canal de Briare et le fleuve. Quand il s'arrêtait pour se faire offrir le café par la voisine d'en face, il laissait tourner son engin durant tout le temps de sa visite, qui pouvait aussi bien dépasser la demi-heure, sans que ni lui ni la dite voisine, pourtant tout proches du moteur pétaradant, n'en fussent incommodés, contrairement à nous. C'est également à ce genre de détails que l'on prend la mesure de la haute conscience écologiste des gens de la campagne : ils se moquent des pollutions diverses comme de leur première fosse à purin.


Samedi 21 juin

Six heures et demie. – Une petite devinette, pour saluer l'été. Sachant que :

1) j'ai écrit dès ce matin l'article que je devais encore à FD ;

2) j'ai tout à l'heure tondu le jardin qui exigeait de l'être ;

3) Catherine est à la messe et ne rentrera que vers huit heures moins le quart ;

à quelle activité déconseillée par la Faculté vais-je me livrer, sitôt ce journal refermé ?



Jeudi 26 juin

Sept heures et demie. – Hier, mes chefs n'avaient trouvé aucun travail à me confier ; ils en eurent l'air désolé, moi pas. Je leur ai dit, en prenant congé, que ce n'était que partie remise et qu'ils m'en enverraient un demain. Sauf que, aujourd'hui, la partie n'a nullement été remise, ou plutôt elle l'a été une nouvelle fois, puisque je n'ai toujours rien reçu. Du coup, j'en arrive à me demander s'il n'y aurait pas eu un problème de transmission mailique. Il serait tout de même un peu stupide que j'aie passé la journée à attendre un travail, dont eux-mêmes, à l'autre bout, espèrent encore le résultat. Je crois que je vais bien être obligé de me manifester, de façon à en avoir le cœur net.

– Je me réjouissais, depuis hier, de voir l'herbe du jardin commencer de jaunir quelque peu ; je me voyais déjà ne plus ressortir la tondeuse de son abri avant septembre… Raté : il vient de pleuvoir dru pendant près d'une heure ; demain, tout sera d'un beau vert fluo et d'attaque pour de nouvelles crises de croissance irraisonnée.


Vendredi 27 juin

Sept heures vingt. – Irritants problèmes avec internet depuis hier : la connexion est si incertaine que, une fois sur deux, lorsque je veux aller sur un site, une page, etc., il me faut aller cliquer en haut et à droite sur “Airport” pour que cela cesse de mouliner et que j'obtienne ce que je voulais – et encore, ça ne marche pas à tous les coups. Évidemment, cela s'est mis à ne plus fonctionner du tout au moment où j'attendais de chez Lagardère la documentation qui devait me permettre d'écrire les 6000 signes que FD m'a réclamés. Du coup, tout est arrivé trop tard, il faudra donc que j'écrive mon papier demain ; seulement, demain matin, mon frère, sa femme et leur fille débarquent de Roissy. Bref, le week-end ne va pas être de tout repos, je le sens.

– Après une longue interruption, j'ai repris les mémoires du comte de Tilly où je les avais abandonnés, c'est-à-dire peu avant la moitié. Et je me demande bien pourquoi cet abandon de ma part, car ils sont d'une lecture extrêmement savoureuse.

– Vu l'état préoccupant de nos finances (nous fonctionnons comme des socialistes de gouvernement : chaque mois nous dépensons un peu plus que ce que je gagne), Catherine et moi avons décidé de quelques restrictions jusqu'à ce que nous ayons trouvé un point d'équilibre satisfaisant ; pour ma part, j'ai pris le solennel engagement de ne plus acheter le moindre livre d'ici à la rentrée de septembre. Heureusement, ma pile d'attente est suffisamment haute pour que je ne souffre d'aucun manque ; sans parler des volumes qui sont rangés dans la bibliothèque, et qui n'ont été que très partiellement lus, voire pas du tout ; et de ceux qui mériteraient d'être relus. Il n'est d'ailleurs pas impossible qu'un de ces jours, tout comme j'ai pris récemment la décision de ne plus aller nulle part, je décide de ne plus acheter un seul livre de ma vie et de me contenter de ceux que j'ai déjà.


Dimanche 29 juin

Trois heures. – Philippe, Dominique et leur fille Gabrielle sont arrivés de Dubaï hier, vers onze heures du matin. Journée évidemment fatigante, dans la mesure où Catherine et moi sommes de moins en moins habitués à parler et entendre parler à jet continu. Elle le fut d'autant plus que la soirée fut assez longue et généreusement alcoolisée, au moins pour ce qui concerne mon frère et moi.

D'après ce qu'il a pu nous en dire, si Dominique semble se plaire bien dans leur désert, il n'en va pas tout à fait de même pour Gabrielle et lui. On sent qu'il commence à regretter son emballement, d'autant que leur situation financière n'est pas plus brillante que ça, ce qui constitue pourtant, à mes yeux en tout cas, la seule et unique raison valable pour s'exiler dans ce genre de pays absurde – je parle de l'opulence monétaire.

Il y a cinq minutes, profitant du soleil revenu (hier, il a plus toute la journée sans interruption), Catherine les a entraînés pour une promenade en forêt. Me connaissant, elle ne m'a même pas proposé de me joindre… Je savoure le silence…

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